"Il y a plus d'un an, afin d'éviter tout bank-run, l'Irlande prenait la décision radicale de garantir dans sa totalité le secteur bancaire irlandais (banques domestiques et étrangères fortement implantées) dont la taille avoisinait alors les 485 milliards d'euros. Déjà à l'époque, cette prise de position avait soulevé de nombreuses interrogations compte tenu de la taille limitée de l'économie irlandaise (PIB de l'ordre de 170 milliards d'euros)", relève Natixis.

"Les recapitalisations successives des banques irlandaises effectuées ces derniers trimestres, qui représenteront près de 46 milliards d'euros (27% du PIB), une fois la tranche annoncée fin septembre effectuée, viennent malheureusement sanctionner cette prise de risque, de même que l'envolée des rendements obligataires irlandais."

"A la différence des autres dettes de la périphérie qui sont pénalisées par des réductions de déficit jugées insuffisantes (Portugal et Grèce), le risque souverain irlandais est principalement expliqué par la situation de son secteur bancaire. On se retrouve alors dans un schéma inverse à celui observé dans les autres pays où le marché souverain drive le marché crédit. Seul, le risque souverain ne justifie pas une intervention extérieure. L'Etat est financé jusqu'à l'été prochain et ne fera face qu'à un seul remboursement sur sa dette en 2011, au mois de novembre."

"Qui plus est, malgré une proportion d'investisseurs non-résidents particulièrement importante (supérieure à 80%) et des niveaux de spreads historiques, le Trésor irlandais n'a rencontré aucune difficulté cette année pour placer sa dette (les bid-to-covers des adjudications du NTMA étaient proches de 3). D'autre part, le fait que ce dernier ait utilisé des promissory notes afin de soutenir son secteur bancaire lui a permis de ventiler cette charge supplémentaire sur plusieurs années (3 milliards/an en plus jusqu'en 2025). En combinant ceci avec une politique budgétaire particulièrement rigoureuse (le gouvernement table sur une réduction du déficit à 3% d'ici 2014), on obtient donc des besoins de financement semblables à ceux de cette année."

"En attente du vote final du budget 2011 (7 décembre), les besoins de financement du pays sur les trois années à venir approcheraient donc les 63 milliards d'euros pour une dette nominale irlandaise dont la taille est actuellement de 90 milliards d'euros. Un volume qu'au final le Trésor irlandais pourrait lever sans problème. Malheureusement, il faut ajouter au risque souverain irlandais le risque bancaire."

"Malgré les quelques émissions de dettes garanties que nous avons eu dernièrement (Bank of Ireland récemment avec une taille de 750 millions d'euros), les marchés primaires demeurent fermés pour les banques irlandaises. Ceci explique d'ailleurs pourquoi ces dernières se refinancent à hauteur de 130 milliards d'euros auprès de la BCE. En cas de fermeture totale du marché et d'incapacité pour les banques à roller leur dette, il faudrait que l'Etat vienne se substituer aux investisseurs. Or, sur les trois années à venir, les remboursements attendus sur les banques irlandaises approchent les 47 milliards d'euros, dont 16,2 milliards d'euros concernent des titres garantis."

"En plus de ces remboursements, il faudrait aussi intégrer une décote supplémentaire liée aux transferts des prêts hypothécaires entre les banques et la NAMA (un total de 73,1 milliards d'euros de prêts seront transférés). Pour le moment, deux tranches ont été effectuées, ces dernières représentant un volume total de 27 milliards d'euros de prêts. Les discounts appliqués sur ces deux tranches ont été de respectivement 47% et 55,6% et il vraisemblable que la décote appliquée dans le cadre des prochains transferts soit légèrement supérieure."

"Fin septembre, la Banque Centrale d'Irlande avait estimé que le surcoût lié à l'application d'un discount de 70% sur les prêts d'Anglo Irish restant serait de 5 milliards d'euros. Or selon certaines rumeurs, le taux appliqué pour cette 3ème tranche serait d'ores et déjà de 67%. Les risques de recapitalisations supplémentaires liés à ces transferts sont donc réels si la situation du marché irlandais venait à se dégrader. Il est bien entendu difficile de quantifier avec précision le surcoût final mais le chiffre de 10 milliards d'euros paraît une estimation raisonnable."

"Au total, le risque bancaire serait légèrement supérieur à 55 milliards d'euros alors que le risque souverain approcherait les 63 milliards d'euros. Les discussions entre les officiels irlandais et européens s'orientant davantage vers un plan ciblant le secteur bancaire, le plan qui sera éventuellement annoncé dans les prochains jours devrait avoir une taille bien inférieure à celle du plan grec. Cette taille correspondrait ainsi à la capacité de prêt de l'EFSM qui est de 60 milliards d'euros (European Financial Stability Mechanism). En cas de plan étendu, qui couvrirait aussi les besoins de financement de l'Etat, le montant total dépasserait les 110 milliards d'euros de la Grèce. En plus de l'intervention vraisemblable du FMI, il faudrait sans doute alors activer l'EFSF (European Financial Stability Facility)."