par Nina Sovich

Des acteurs à la fois financiers et industriels pourraient en revanche consentir des investissements ciblés dans des centrales afin de sécuriser des accords d'approvisionnement en électricité et de développer des compétences dans le nucléaire.

Le chef de l'Etat a déclaré le 14 décembre que la France aurait besoin de partenaires extérieurs pour développer sa filière nucléaire, "extrêmement consommatrice en capitaux".

La France veut s'imposer comme un acteur incontournable dans le développement du nucléaire à l'international, le fabricant de réacteurs Areva visant notamment un tiers des nouvelles unités qui devraient être construites dans le monde d'ici à 2030.

Détenu à près de 91% par l'Etat français et à 2,4% par EDF, Areva prépare en outre une augmentation de capital de trois milliards d'euros pour compléter un plan censé lui permettre de financer son programme d'investissements de 11 milliards sur la période 2009-2012.

EDF, dont l'Etat contrôle près de 85% du capital, a de son côté lancé un programme de cessions pour alléger sa dette financière d'au moins cinq milliards d'euros à fin 2010.

S'il n'obtient pas de l'Etat des hausses de tarifs de l'électricité en France, le groupe pourrait en outre devoir lever des capitaux sur les marchés.

Mais selon des sources industrielles, la France aura peut-être plus de mal que prévu à trouver des groupes étrangers prêts à investir dans sa filière nucléaire, beaucoup de ces partenaires potentiels ne souhaitant pas prendre des parts minoritaires dans des sociétés sous la coupe de l'Etat.

LE "BON VOULOIR" DU GOUVERNEMENT

"Qui veut être soumis au bon vouloir du gouvernement Français, sans pouvoir et sans contrôle ? Certainement pas la majorité des acteurs susceptibles d'investir de manière significative", observe Alex Barnett, analyste chez Jefferies.

Plusieurs banquiers et investisseurs qui suivent Areva et EDF estiment que des groupes européens ou asiatiques de services aux collectivités, de même que des fonds souverains du Golfe ou d'Asie, pourraient être intéressés par des participations dans les deux groupes français.

Ils jugent cependant que certains partenaires potentiels pourraient être freinés par la récente implication de l'Etat dans la vente de la filiale transmission et distribution (T&D) d'Areva, que nombre d'observateurs ont interprétée comme une nouvelle manifestation du "patriotisme économique" de la France.

Malgré des offres financières supérieures de la part de candidats étrangers, Areva a en effet choisi le duo français Alstom-Schneider pour reprendre T&D.

"On peut dire que certains investisseurs hésitent à se retrouver de nouveau embrouillés par les Français", estime un investisseur bien informé sur la vente de T&D.

Nicolas Sarkozy a laissé entendre le 14 décembre que Siemens serait le bienvenu s'il était intéressé par le nucléaire tricolore, regrettant que la France n'ait plus de "projets d'avenir" avec le groupe allemand après la sortie de Siemens d'Areva NP, la filiale de réacteurs du français.

Ces déclarations ont laissé songeurs les observateurs du secteur de l'énergie, le groupe allemand ayant justement rompu son alliance dans les réacteurs avec Areva parce que l'Etat ne répondait pas à ses demandes de devenir actionnaire du groupe nucléaire.

"DYNAMIQUE D'APPRENTISSAGE"

La décision de Siemens de sortir d'Areva NP "a été prise faute de réponse de notre actionnaire majoritaire à ses demandes nombreuses et répétées", a souligné récemment devant l'Assemblée nationale Anne Lauvergeon, présidente du directoire d'Areva.

"A ce stade nous pensons qu'il est peu probable que Siemens réponde de manière positive à ces signaux, si tant est qu'il réponde. De notre point de vue, il faudrait pour cela que la France et Areva offrent un accord plus attractif", estime Thomas Langer, analyste chez WestLB.

Abou Dhabi, où un consortium français convoite un contrat de quelque 40 milliards de dollars pour des centrales nucléaires, pourrait constituer une alternative.

"L'Etat peut dire à Abou Dhabi : 'on vous donne les centrales à un bon prix et vous prenez une participation dans Areva ou EDF'", estime un banquier français qui suit le secteur de l'énergie mais ne travaille pas directement sur le dossier Abou Dhabi.

Faute d'une prise de participation dans Areva, certains groupes européens - comme E.ON ou Enel - négocient leur entrée dans les réacteurs de nouvelle génération EPR construits en France.

"Tout le monde (chez les groupes européens de services aux collectivités) veut participer à l'EPR afin de sécuriser une partie de la production d'électricité pour son marché domestique et se remettre dans une dynamique d'apprentissage", souligne Arié Flack, directeur général de la Compagnie financière du Lion, une banque d'investissement basée à Paris.

Avec la contribution de Benjamin Mallet, édité par Jean-Michel Bélot