(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Le climat boursier toujours au beau fixe

* Les résultats des entreprises dépassent les attentes

* La politique monétaire reste sur le devant de la scène

par Patrick Vignal

PARIS, 6 novembre (Reuters) - Les marchés d'actions ont conservé au mois d'octobre leur manie de battre des records et tout indique qu'ils ne changeront pas leurs habitudes en novembre, malgré des risques politiques encore bien présents et le délicat virage que doivent négocier les grandes banques centrales.

La semaine écoulée a ainsi permis aux indices de Wall Street de se maintenir à proximité de leurs sommets, au Dax allemand d'améliorer son record absolu en séance et au Nikkei japonais de toucher un pic de 21 ans.

En Europe, la crise catalane a certes pénalisé la Bourse de Madrid, mais pas longtemps, et les investisseurs paraissent maintenant attendre sereinement les élections régionales convoquées pour le 21 décembre.

Michael Hewson, analyste de CMC Markets, parle de "rally Teflon", une expression prisée par les analystes financiers anglo-saxons qui désigne une séquence de hausse qu'aucune aspérité ne parvient à contrarier.

"Ce rally Teflon que nous observons depuis le début de l'année ne montre aucun signe de ralentissement, à part des pauses de temps en temps", dit-il.

Les moteurs qui propulsent cette marche en avant sont connus, au nombre desquels une croissance économique revenue à ses niveaux d'avant la crise financière et des profits des entreprises qui continuent de gonfler, comme l'illustre la saison de publications trimestrielles en cours.

"Les résultats sont globalement solides et meilleurs qu'attendu, avec une croissance à deux chiffres des bénéfices par action en Europe et au Japon, et d'un peu moins de 10% aux Etats-Unis", constate JPMorgan dans une note.

Les facteurs menaçant de ralentir les actions ne manquent pas non plus, même s'ils échouent pour l'instant à freiner leur progression.

Michael Hewson cite pêle-mêle la crise catalane, les négociations sur le Brexit et les doutes sur les capacités de Donald Trump à tenir les promesses d'allègement de la fiscalité faites au marché pendant sa campagne.

On peut ajouter à la liste une inflation qui reste paresseuse et des salaires qui refusent de décoller aux Etats-Unis malgré une situation proche du plein emploi.

ATTENTION AUX SORTIES DE ROUTE

Autre défi de taille pour les marchés: la fin des politiques accommodantes des grandes banques centrales avec un resserrement déjà en cours aux Etats-Unis et qui s'amorce timidement en zone euro, souligne Arnaud Faller, directeur général délégué et directeur des investissements de CPR Asset Management.

Dans un rapport sur le sujet, il évoque ces interventions exceptionnelles qui ont permis d'éviter le pire après la crise de 2008 avant d'inonder les marchés financiers de liquidité pour finir un peu partout par des achats de titres avec des montants vertigineux.

Les titres détenus par les instituts d'émission représentent désormais plus de 20% du produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis, plus de 30% dans la zone euro et plus de 90% au Japon, écrit Arnaud Faller.

Parfois abscons mais rarement naïfs, les banquiers centraux connaissent l'adage financier selon lequel les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel et savent qu'il leur faut refaire leurs réserves en vue de la prochaine crise, qui finira bien par arriver.

Voici donc revenu le temps des "faucons", même si leurs serres ne sont pas bien tranchantes, avec des risques d'accidents si les banques centrales ne parviennent pas à faire passer très précisément leurs messages.

"Les banquiers centraux sont à la manoeuvre avec l'obligation d'anticiper les marchés en permanence," écrit Arnaud Faller. "La seule vraie inquiétude viendra d'une sortie mal organisée des banques centrales".

Rompue à ces périlleux exercices de communication, la présidente de la Réserve fédérale, Janet Yellen, cédera sa place en février prochain à Jerome Powell, perçu comme un "centriste" en matière monétaire, qui devrait donc prolonger la politique de relèvement très graduel des taux d'intérêt.

En choisissant cet ancien banquier d'investissement, Donald Trump a opté pour la continuité tout en rompant avec l'ère Yellen, ouverte par Barack Obama.

La prudence requise en matière de resserrement monétaire vient d'être illustrée par la Banque d'Angleterre, qui a relevé jeudi son taux directeur pour la première fois depuis plus de 10 ans en spécifiant que les hausses à venir seraient très progressives, ce qui a eu pour effet de faire chuter la livre sterling à un creux d'un mois face au dollar et à l'euro.

LA CHINE INQUIÈTE

Si les marchés d'actions en Europe et aux Etats-Unis n'inspirent pas d'inquiétude à court terme, il n'en va pas de même pour la Chine, où l'indice composite de la Bourse de Shanghaï vient d'accuser sa perte hebdomadaire la plus lourde depuis trois mois (-1,32%) avec le retour des craintes sur un ralentissement de la deuxième économie du monde.

Très endettée, ce qui lui a valu récemment une dégradation de sa note souveraine pas Standard & Poor's, la Chine a vu en outre ses rendements obligataires grimper rapidement depuis la mi-octobre.

"C'est le signe d'un changement soudain des anticipations économiques et d'une nouvelle évaluation de la détermination du gouvernement à lutter contre l'endettement", commente Qiao Yongyuan, responsable de la stratégie de CIB Research. "L'effet sur les actions se fera ressentir graduellement".

Dans ce contexte, il faudra surveiller plusieurs indicateurs chinois qui se profilent, notamment les chiffres de la balance commerciale (mercredi) et ceux de l'inflation (jeudi).

Pendant ce temps, les investisseurs européens continueront d'éplucher les publications des entreprises avec au menu les résultats de Commerzbank et Siemens, jeudi, suivis le lendemain par ceux d'ArcelorMittal.

Ils surveilleront aussi la publication, jeudi, des dernières prévisions économiques de l'Union européenne qui, si elles sont optimistes, pourraient encourager la Banque centrale européenne (BCE) à accélérer sur la voie du resserrement, afin de disposer elle aussi de quelques munitions le jour où le climat sur les marchés finira par se gâter.

(édité par Marc Angrand)

Valeurs citées dans l'article : Commerzbank, ArcelorMittal, Siemens