Après avoir décliné l'offre une première fois, le charismatique dirigeant du groupe de chaussures et d'habillement (André, Minelli, la Halle aux vêtements, Kookaï, Chevignon) aura finalement cédé aux sirènes de la direction du deuxième distributeur mondial, malgré l'ampleur de la tâche à accomplir.

"Son arrivée interviendra dès que les modalités financières de son départ de Vivarte auront été réglées", a-t-on déclaré de source proche du dossier.

Une source interne chez Carrefour affirme quant à elle que "la négociation est en cours" et que le patron de Vivarte est en position de force pour négocier car il n'y a pas d'autre candidat.

Ni Carrefour ni Vivarte n'ont souhaité faire de commentaire.

Cette nomination, annoncée comme imminente par le magazine Linéaires mercredi soir, a fait flamber l'action Carrefour jeudi, qui a signé la plus forte hausse de l'indice CAC 40 et gagné 7,46% à 18,15 euros, dans un marché en hausse de 1,53%.

Le professionnalisme reconnu de Georges Plassat et sa très bonne connaissance de la grande distribution sont des atouts que le marché apprécie, note un analyste, précisant que la nouvelle reste à confirmer.

"Ce catalyseur pourrait toutefois être de courte durée car les problèmes de Carrefour ne disparaîtront pas avec l'arrivée d'un nouveau PDG", avertit-il néanmoins.

Pour Christian Devismes, analyste de CM-CIC Securities, l'arrivée de Georges Plassat constituerait un "signal fort pour les employés et les fournisseurs de Carrefour, ainsi que pour les investisseurs".

CONNAISSANCE DU MÉTIER

Georges Plassat a en effet passé 15 ans chez Casino et a eu pendant deux ans la charge des activités de Carrefour en Espagne avant de prendre la tête de Vivarte en 2000.

Il avait déjà décliné une offre de Carrefour l'an dernier selon les informations de Reuters mais a repris depuis les négociations avec le géant de la distribution.

Georges Plassat "est bien prêt à prendre la tête de Carrefour, mais il doit négocier sa sortie de Vivarte avec Charterhouse et cela prend un peu de temps", indique une autre source proche du dossier.

Georges Plassat a investi plusieurs dizaines de millions d'euros dans le rachat de Vivarte aux côtés des fonds d'investissement Sagard et Charterhouse, dans le cadre d'un LBO (leveraged buy-out, rachat par endettement) estimé à 3,3 milliards d'euros et réalisé en pleine bulle du crédit.

Son départ de Vivarte n'aurait pas les faveurs des créanciers de la société, qui souhaiteraient le voir rester aux commandes jusqu'à ce que Vivarte soit revendu ou sa dette refinancée.

Selon le quotidien Le Figaro, Georges Plassat aurait déjà choisi son bras droit, Antoine Metzger, pour lui succéder.

Les conditions actuelles de marché ne sont guère favorables à une revente de Vivarte ou au refinancement de sa dette bancaire. La situation comptable de la société est jugée inquiétante par certains observateurs, et ses obligations se traitent avec une décote importante sur les marchés secondaires.

UN GRAND DÉFI

Lars Olofsson est sur la sellette depuis l'été dernier, discrédité en interne comme en externe après de nombreux errements stratégiques et pas moins de cinq avertissements sur résultats en un an, et sa position était devenue intenable après le dernier "profit warning" du distributeur, en octobre.

De surcroît, son emblématique projet "Planet", un nouveau format d'hypermarché lancé à grand renfort de publicité et présenté comme la pierre angulaire du redressement des performances en Europe, n'a pas apporté les résultats escomptés et devrait être très largement revu à la baisse. Un revers majeur pour son initiateur.

Carrefour n'est pas parvenu à enrayer le recul de ses ventes en France et en Europe, tandis que dans les pays émergents le relais de croissance a été assuré en Amérique latine mais pas en Chine, où le recul des ventes a été très mal perçu par les investisseurs. Son résultat opérationnel 2011 est attendu en baisse de 20% et certains analystes anticipent un nouveau recul de la performance opérationnelle en 2012.

Face à l'ampleur de la tâche à accomplir pour redresser le navire, Georges Plassat, 62 ans et un caractère bien trempé, semble donc prêt à relever le défi, y compris celui de gouverner avec deux grands actionnaires, Groupe Arnault -la holding personnelle du PDG de LVMH Bernard Arnault- et le fonds Colony Capital, qui ont montré par le passé qu'il savaient peser sur les orientations stratégiques du groupe.

Avec Julien Ponthus et Blaise Robinson, édité par Dominique Rodriguez

par Pascale Denis et Dominique Vidalon