Plusieurs milliards d'euros de la capitalisation d'Airbus sont partis en fumée le 20 décembre 2018, après les révélations du 'Monde' sur l'existence d'une enquête anticorruption majeure visant l'industriel européen aux Etats-Unis, entamée fin 2017. L'action de l'avionneur chute de -6% à 82 EUR en milieu séance, dans de gros volumes.
Airbus serait donc dans le collimateur du "Department of Justice" américain, a appris 'Le Monde'. Le groupe n'a pas souhaité commenter. L'existence d'une enquête ne surprend pas les bons connaisseurs de l'industrie. Les parquets antifraude britannique et français, SFO et PNF, épluchent depuis un moment les méthodes de l'industriel pour obtenir des contrats dans la défense ou l'aéronautique civile.
Au cœur de leur enquête, on retrouve les intermédiaires qui officient en coulisses pour convaincre les clients d'opter pour une offre plutôt qu'une autre. Une pratique "autorisée" mais "réglementée" : ces "business partners" doivent être identifiés et leur rémunération doit être transparente. Or Airbus n'aurait pas toujours été exemplaire de ce point de vue. Pour être tout à fait exact, il est probable que personne n'est vraiment exemplaire, mais il y a ceux qui vont un peu trop loin. Il y a ceux qui se font prendre et il y a les autres.
La justice américaine fait peur
L'arrivée du "DoJ" n'est pas vraiment étonnante et son timing coïncide avec un durcissement de la politique industrielle américaine. De quoi faire sacrément plaisir à Boeing. En revanche et sans faire injure au PNF et au SFO, la justice américaine fait nettement plus peur. Il n'y a pas de tabou aux Etats-Unis sur les amendes gigantesques ni de retenue à frapper les entreprises non-américaines. 'Le Monde' évoque d'ailleurs une sanction qui pourrait atteindre "plusieurs milliards". Mais ces milliards, Airbus a de quoi y faire face. En revanche, le groupe européen serait particulièrement affecté par une condamnation pénale qui aboutirait à l'exclure de certains marchés pendant un laps de temps important. C'est ce volet de l'éventuelle sanction qu'il cherchera à éviter.
Un loup devenu agneau
A cette fin, un grand ménage a été lancé en interne il y a plusieurs mois. Par le bas d'abord, comme le relate 'Le Monde'. Mais au final, c'est toute l'équipe dirigeante qui y est passée, jusqu'à Tom Enders, qui laissera son poste de numéro un dans les mois qui viennent. Airbus a aussi changé son fusil d'épaule en matière de stratégie : critiquée pour voir traîné les pieds dans les premiers temps de l'enquête menée en Europe, l'entreprise a fini par collaborer avec les enquêteurs. La justice est sensible aux efforts déployés pour améliorer les comportements. La question a plusieurs milliards de dollars est désormais de savoir si le DoJ se joindra au SFO et au PNF, c’est-à-dire s'il "accepte de jouer collectif", écrit le quotidien dans son enquête du jour. Une enquête à trois serait plus rassurante qu'un cavalier seul de la justice américaine.
Airbus SE est le n° 1 européen et le n° 2 mondial de l'industrie aéronautique, spatiale et de la défense. Le CA par famille de produits et services se répartit comme suit :
- avions commerciaux (71,8%). Le groupe est n° 1 mondial des avions de plus de 100 sièges ;
- systèmes de défense et aérospatiaux (17,4%) : avions militaires (notamment avions de transport, de surveillance maritime, de chasse anti-sous-marins et de ravitaillement en vol), équipements spatiaux (lanceurs orbitaux, satellites d'observation et de communication, appareils à turbopropulseurs, etc.), systèmes de défense et de sécurité (systèmes de missiles, systèmes électroniques et de télécommunications, etc.). Airbus SE propose également des services de formation et de maintenance des avions ;
- hélicoptères civils et militaires (10,8%).
La répartition géographique du CA est la suivante : Europe (39,3%), Asie-Pacifique (28,6%), Amérique du Nord (21,1%), Moyen Orient (6%), Amérique latine (2,7%) et autres (2,3%).