Tout semblait aller pour le mieux dans le meilleur des mondes, il y a encore quelques mois. Le conglomérat Reliance avait même réitéré il y a quelques semaines sa volonté de poursuivre l'implantation de milliers de supérettes, supermarchés et hypermarchés dans toute l'Inde, s'inspirant des modèles de grandes enseignes internationales comme Wal-Mart ou Carrefour. Montant prévisionnel des investissements : 5,5 milliards de dollars. Pour un marché de plus d'un milliard de consommateurs potentiels, après tout...

Manifestations monstre

Mais dans les Etats de l'Uttar Pradesh (Nord) et du Bengale occidental (Est), dirigé par des communistes, « les tendances ne sont pas favorables et limitent notre capacité à augmenter le nombre de magasins comme nous l'avions prévu », a reconnu Bijou Kurien dirigeant de Reliance Retail, une filiale de Reliance Industries. C'est une manière pour le moins minimaliste d'évoquer... les plus grandes manifestations jamais organisées en Inde contre la grande distribution, en octobre et en novembre dernier.

Le mouvement était organisé par la Fédération de l’association du Maharastra, qui regroupe 750 associations de commerçants, relayé par des partis politiques. Les protestataires s’étaient rassemblés pour s’opposer à l’arrivée des géants de la distribution, tels que Wal-Mart et Métro, qui, selon eux, menacent leur existence. Et Reliance Retail en fait maintenant partie.

Ce qui avait débuté comme une contestation dirigée contre l’implantation des firmes internationales s’est transformé en une farouche opposition à l’ensemble de la grande distribution, entreprises indiennes comprises, avec violences et mises à sac de magasins. Au cours de ces deux derniers mois, des manifestations contre Reliance ont eu lieu dans les États indiens du Bengale, d’Orissa, de l’Uttar Pradesh et du Kerala. Y compris dans la tristement célèbre ville de Bhopal.

Précautions ou rétorsions administratives ?

Pire : le gouvernement du très peuplé Uttar Pradesh, situé au nord du pays, a fermé des magasins Reliance, et l’État du Bengale a pris des mesures similaires. Le but : éviter les violences ingérables qui suivent l'ouverture de la chaîne de produits frais de Reliance, Reliance Fresh.

Reliance a donc dû réduire ses effectifs et a licencié 400 employés au Bengale et 1.000 autres dans l’Uttar Pradesh. Face cette opposition inattendue, Reliance a décidé de minimiser les risques. Le journal Mint estime qu'au moins 500 magasins seraient « sacrifiés » sur les 2.000 prévus à l'horizon 2011. Pourtant, l'objectif fixé en 2006 par le président de RIL, Mukesh Ambani, était d'atteindre 25 milliards de dollars de chiffre d'affaires d'ici à 2011, en investissant 5,5 milliards de dollars...

« Si vous regardez comment le marché croît, il y a de la place pour tout le monde », a plaidé M. Kurien, dont le groupe exploite déjà 425 enseignes Reliance Fresh, qui vendent produits frais, fruits et légumes.

Mais le dossier de la grande distribution est très sensible en Inde. Le réseau des 15 millions de petits commerçants est le plus dense et l'un des mieux protégés du monde. La législation locale en la matière est extrêmement contraignante.

L'Inde a consenti en janvier 2006 à autoriser les investissements étrangers à hauteur de 51%, mais seulement dans les magasins à marque unique, obligeant les groupes étrangers à signer des accords de franchise avec des sociétés indiennes pour pénétrer le marché. L'ouverture à la concurrence et aux investissements, oui, mais dans l'ordre... et le calme.