MOSCOU, 23 janvier (Reuters) - L'une des deux membres du groupe punk Pussy Riot emprisonnées en Russie affirme avoir reçu des menaces de mort dans le camp où elle purge une peine de deux ans de prison pour avoir entonné une prière anti-Poutine dans une cathédrale de Moscou.

Dans une interview au journal d'opposition Novaïa Gazeta, Maria Aliokhina, 24 ans, indique qu'elle a été mise à l'isolement en novembre après avoir été menacée par des codétenues qu'elle soupçonne d'avoir agi sur ordre des responsables de la colonie pénitentiaire.

"(Elles m'ont dit) : si tu restes dans cette unité, c'en est fini de toi (..) Il y a de grossières violations des droits de la personne humaine ici", a déclaré Maria Aliokhina, qui est détenue dans une colonie pénitentiaire de la région de Perm, dans l'Oural.

"Quelle est la chose la plus difficile ? Arriver à comprendre comment marche ce système, comment il crée une mentalité d'esclave", ajoute-t-elle. "Ignorance, lâcheté, trahison, dénonciation sont la norme."

Mère d'un petit garçon de cinq ans, elle a demandé sans succès que sa peine soit différée pour pouvoir s'occuper de son enfant, comme c'est généralement la norme en Russie.

L'autre membre des Pussy Riot incarcérée, Nadejda Tolokonnikova, 23 ans, est elle aussi mère d'un jeune enfant. Elle est détenue dans la région de Mordovie, réputée pour ses camps de l'époque soviétique. Elle explique à Novaïa Gazeta qu'elle n'a pas eu les mêmes pressions que Maria Aliokhina mais parle de travail forcé dans des conditions très dures.

"AMUSANT MAIS DESESPERE"

Comme de nombreux détenus en Russie, elle travaille à la couture de vestes d'hiver matelassées, travail pour lequel elle précise être payée 350 roubles (8,70 euros) par mois.

La troisième membre des Pussy Riot qui avait été condamnée en même temps que ses deux consoeurs, Ekaterina Samoutsevitch,a été libérée en appel avec une peine de prison avec sursis. Elle a porté plainte contre la Russie devant la Cour européenne des droits de l'homme pour violation de ses droits durant ses six mois de détention.

Les deux Pussy Riot emprisonnées se plaignent que leur performance très remarquée sur l'autel de la cathédrale orthodoxe du Christ-Sauveur pour laquelle elles ont été condamnées a été déformée par les médias russes.

"La propagande d'Etat russe nous a présenté comme des blasphématrices, comme des voyous et ainsi de suite, mais en réalité, c'est un acte d'ironie et d'humour, quoique qu'également désespéré", explique Nadejda Tolokonnikova.

"C'était, pour ainsi dire, un cri politique venant du coeur qui était tout de même lancé d'une manière ironique et humoristique".

Maria Aliokhina se plaint du bas niveau du débat public en Russie où le pouvoir exécutif a un quasi-monopole sur la télévision fédérale, principale source d'information des Russes.

"Il y en a beaucoup qui ont été incrédules, qui n'ont pas compris pourquoi nous ne sommes pas contentes de Poutine", a-t-elle déclaré à Novaïa Gazeta.

"Une fille a exprimé un point de vue très intéressant selon lequel Poutine avait l'air super à la télé, aussi, pourquoi ne sommes-nous pas contentes de lui ? (...) C'est ça le niveau de dialogue et c'est vraiment triste." (Alissa de Carbonnel; Danielle Rouquié pour le service français, édité par Jean-Loup Fievet)