par Julien Ponthus

En termes de volume, 2010 est attendu comme une année "normale", loin de la frénésie observée entre 2005 et 2008, et la majorité des professionnels interrogés par Reuters se disent plutôt confiants sur la pérennité de la reprise même si des craintes de rechute subsistent.

"On sent un frémissement au niveau des appels d'offres qui devrait se matérialiser cet été ou à la rentrée", indique l'avocat Thierry Schoen, du cabinet Clifford Chance.

"Si les indices de confiance semblent s'améliorer, les fondamentaux ne sont pas encore tout à fait solides", constate Andréa Bozzi qui dirige l'activité fusions-acquisitions de Calyon et se dit "prudemment optimiste" pour l'année.

"Je pense que l'on va rester sur des opérations de consolidations classiques", indique-t-il, jugeant que les entreprises resteront concentrées sur leur coeur de métier.

"Les sociétés se montreront vraisemblablement très prudentes dans l'analyse d'opérations de diversification", juge le banquier.

Une étude du Boston Consultancy Group (BCG) et de la banque UBS conduite à l'automne 2009 auprès de 166 dirigeants d'entreprises européennes notait ainsi un regain d'appétit pour les fusions-acquisitions, mais assorti d'une aversion persistante pour le risque.

Conséquence de cette frilosité, des offres hostiles spectaculaires comme celle de Kraft sur Cadbury ne sont guère attendues, souligne Philippe de Caraman, un banquier d'affaires de la Banque UBS, qui précise que 2010 sera "une année de transition."

"Je doute que l'on voie beaucoup d'opérations hostiles en France", déclare le banquier qui n'attend pas de prises de risques notoires de ce côté-là.

Pour Marc Pandraud, qui a pris la tête de Deutsche Bank au cours de 2009, les opérations dites "naturelles", comme le rachat par Axa des parts des actionnaires minoritaires de sa filiale asiatique devraient se poursuivre.

Il cite à titre d'exemple la volonté du laboratoire suisse Novartis de prendre le contrôle total du groupe américain ophtalmologiques Alcon.

"Ce sont des opérations qui doivent se faire un jour", avance le banquier qui dit s'attendre peu d'opérations "transformantes", c'est-à-dire de nature à changer la dimension d'un groupe.

PAS DE REPRISE DU PRIVATE EQUITY

L'activité des fonds d'investissement n'est pas près de reprendre son rôle de moteur du marché et devrait se cantonner aux opérations de petite ou de moyenne taille.

"2010 ne sera pas l'année de la reprise du private equity car la dette n'est pas là et le private equity, c'est quand même l'effet de levier", indique Daniel Payan, un associé du cabinet Willkie Farr & Gallagher, à Paris.

"Nous avons plutôt fait le pari de miser sur les restructurations", ajoute-t-il en référence aux transactions sur le spécialiste des matériaux pour toitures Monier ou encore sur le groupe de flaconnage SGD, où des fonds spécialisés dans le retournement d'entreprises en difficulté ont pris le relais de fonds d'investissement.

Ces derniers sont d'ailleurs plutôt attendus sur la vente des entreprises qu'ils détiennent en portefeuille et notamment par le biais de la Bourse.

L'une des introductions attendues ces jours-ci est la mise sur le marché du groupe de maisons de retraite Medica par Axa Private Equity et BC Partners.

La reprise des introductions en Bourse, dont le bal a été ouvert cet automne par CFAO, filiale de PPR, a encouragé de nombreux fonds à suivre cet exemple.

Mais pour Emmanuel Hasbanian, qui dirige l'activité de fusions-acquisitions de la Deutsche Bank, on ne peut s'attendre à un déferlement d'IPO sur la place de Paris.

"La Bourse est une sortie naturelle mais il faut être réaliste, elle n'absorbera pas toutes les sociétés, seuls les dossiers de grande qualité trouveront preneurs", juge-t-il.

Avec la contribution du service reportage économique, édité par Dominique Rodriguez