Paris (awp/afp) - Après cinq années difficiles pour la réassurance, 2022 risque de ne pas faire exception. C'est dans ce contexte qu'assureurs et réassureurs vont devoir négocier de nouvelles augmentations de tarifs, sans garantie qu'elles suffisent à faire face à l'augmentation des coûts et des sinistres.

Les acteurs se réuniront à partir de samedi et jusqu'à mercredi à Monaco pour Les Rendez-Vous de Septembre, grand-messe annuelle du secteur de la réassurance, dont le marché mondial était estimé à 374 milliards de dollars en 2021.

Si le premier trimestre 2022 n'a pas été trop mauvais pour le secteur, le second "ne sera pas mieux, voire bien pire", souligne Bertrand Romagné, président l'Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), qui s'attend de nouveau à un ratio combiné (entre décaissements et encaissements) proche de 100% à la fin de l'année.

Lorsque ce ratio est supérieur à 100%, comme cela a été le cas entre 2017 et 2020, cela signifie que l'activité n'est pas rentable. L'année 2021 avait été légèrement meilleure, à 97,6%, un niveau jugé toutefois encore insuffisant par les professionnels. Dans ce contexte, l'agence de notation S&P a décidé de "maintenir (sa) perspective sectorielle négative", comme depuis le début de la pandémie de covid-2019, en 2020, explique Marc-Philippe Juilliard, son directeur assurances.

"La tarification, de notre point de vue, est encore insuffisante", malgré les augmentations négociées ces dernières années, explique-t-il. L'Apref s'attend à ce que les primes, à risque égal, continuent de progresser après avoir déjà grimpé de 5% à 10% l'année dernière.

Si l'agence Moody's voit d'un bon oeil pour le secteur la hausse des tarifs et des taux d'intérêt, qui permet aux réassureurs d'améliorer leurs revenus financiers, elle juge cependant dans un rapport que "la forte inflation pourrait freiner la croissance des revenus" et que "les réassureurs restent vulnérables aux importantes pertes provoquées par les catastrophes naturelles".

Exposition

Devant ce constat, de combien les prix de la réassurance pourraient-ils progresser ? Difficile à anticiper alors que le troisième trimestre, souvent riche en sinistres avec la saison des ouragans, n'est pas encore terminé. Le rendez-vous de Monte-Carlo n'est d'ailleurs que la première étape des discussions, qui se poursuivront à l'automne à Baden-Baden en Allemagne.

Car si les réassureurs ont besoin d'augmenter les primes, il faut que les assureurs, eux aussi confrontés à l'augmentation des sinistres et de leurs coûts, acceptent de les payer plus cher. Certains pourraient préférer garder une partie du risque chez eux. Les réassureurs eux-même sont divisés sur l'attitude à adopter face au risque climatique : "il y a une scission dans l'évaluation de l'augmentation tarifaire à faire entre les différents acteurs", explique Olivier Karusisi, directeur associé chez S&P.

"Certains pensent que cette augmentation doit être beaucoup plus conséquente et réduisent leur exposition et d'autres prennent le pari inverse", poursuit-il. Dans le premier groupe, on retrouvera par exemple Axa, qui fait un peu de réassurance à travers sa filiale Axa XL et qui cherche à réduire l'exposition de cette dernière aux catastrophes naturelles.

"C'est un marché qui est mal tarifé, c'est à-dire que les prix ne reflètent pas le risque et donc la rentabilité moyenne, même hors année extrême est assez faible", justifie auprès de l'AFP Alban Mailly de Nesle, directeur financier du groupe. À l'inverse, les réassureurs suisses et allemands ont plutôt tendance à augmenter leur exposition, selon plusieurs observateurs.

La menace inflationniste

Les catastrophes naturelles ne sont pas le seul défi pour le secteur. "Après 32 mois, la pandémie (de covid-19, ndlr) n'est toujours pas officiellement terminée" et "les quatre principaux réassureurs ont encore provisionné un montant supérieur à 500 millions d'euros au 1er trimestre 2022", souligne l'Apref qui s'inquiète également du risque de cyberattaque, encore mal évalué.

Enfin, la hausse des prix va également peser sur les réassureurs, l'inflation des sinistres étant "souvent plus importante que celle des prix à la consommation", selon l'association. Plusieurs acteurs ou observateurs mentionnent également l'inflation sociale, à savoir la tendance croissante des assurés à porter leurs réclamations devant les tribunaux qui tendent à accorder des indemnisations de plus en plus importantes.

afp/vj