(Actualisé avec réaction de Corbyn, décès d'un ressortissant français et précisions § 8-9-13-14-18-20-22-28)

* Une camionnette a foncé samedi soir sur des piétons sur le London Bridge

* Ses occupants ont ensuite poignardé des gens au hasard dans le Borough Market

* Douze personnes ont été arrêtées après la double attaque

* May promet de lutter résolument contre l'extrémisme islamiste

* Les élections législatives se dérouleront jeudi comme prévu

* Troisième attaque terroriste en moins de trois mois au Royaume-Uni

par Estelle Shirbon et William James

LONDRES, 4 juin (Reuters) - La Première ministre britannique Theresa May a prôné dimanche une lutte de tous les instants et sur tous les fronts contre l'extrémisme islamiste au lendemain de l'attaque qui a fait sept morts et 48 blessés en plein coeur de Londres, la troisième à viser le Royaume-Uni en moins de trois mois.

La Metropolitan Police (Met), la police londonienne, a annoncé l'arrestation de douze personnes en lien avec l'attentat, perpétré par trois hommes à l'aide d'un véhicule bélier et de couteaux, qui ont été abattus par la police. Les interpellations ont eu lieu dimanche lors d'une opération à Barking, une commune de l'est de l'agglomération londonienne.

Il s'agit de la troisième attaque à caractère terroriste en Grande-Bretagne en moins de trois mois, après celle commise par un homme seul à Westminster le 22 mars (5 morts) et l'attentat suicide à Manchester le 22 mai à la fin d'un concert de la chanteuse américaine Ariana Grande (22 morts, 116 blessés).

Elle est survenue à cinq jours des élections législatives, que Theresa May a exclu de repousser. Les principaux partis ont suspendu leur campagne, qu'ils devaient reprendre dimanche soir ou lundi.

Une minute de silence sera observée dans tout le pays mardi à 10h00 GMT et les drapeaux seront mis en berne jusqu'à mardi soir sur tous les bâtiments publics, ont annoncé les services de la Première ministre.

"Le moment est venu de dire: trop, c'est trop", a déclaré la Première ministre devant sa résidence du 10, Downing Street, lors d'une allocution télévisée dimanche matin.

"Nous ne pouvons pas et ne devons pas prétendre que les choses peuvent continuer ainsi", a-t-elle ajouté, préconisant de revoir en profondeur la stratégie antiterroriste du pays, en suggérant par exemple de plus longues peines d'emprisonnement et une régulation plus stricte d'internet.

Jeremy Corbyn, chef de file du Parti travailliste, a estimé dimanche soir que les autorités britanniques allaient devoir mener des "discussions difficiles" avec l'Arabie saoudite et d'autres Etats du Golfe sur le financement de l'extrémisme islamiste.

Le leader du Labour, en pleine remontée dans les sondages, a également réitéré ses critiques contre la dirigeante conservatrice, l'accusant comme après l'attentat de Manchester d'avoir réduit les effectifs de la police lorsqu'elle était ministre de l'Intérieur, entre 2010 et 2016. Il a promis, en cas de victoire jeudi, de recruter 10.000 agents supplémentaires, y compris des policiers armés.

HUIT MINUTES

Samedi soir, les trois assaillants, qui portaient de faux gilets d'explosifs, ont été abattus par la police huit minutes après les premiers appels d'urgence, peu après 22h00 (21h00 GMT).

L'attaque a commencé sur le même mode opératoire qu'à Nice en juillet 2016 ou Berlin en décembre 2016, par un attentat au véhicule bélier. Une camionnette de couleur blanche a foncé sur des piétons en zigzaguant sur le London Bridge.

Ses trois occupants ont ensuite abandonné le véhicule et poignardé au hasard des gens dans le marché couvert de Borough Market, zone de restaurants à la mode et de pubs très fréquentés, en particulier le samedi soir.

Sept personnes ont été tuées, dont un Français et un ressortissant canadien. Quarante-huit blessés ont été admis dans les hôpitaux, dont 21 se trouvaient dimanche dans un état critique, rapporte l'agence de presse britannique Press Association, citant le service national de santé (NHS).

Rendant compte de l'intervention policière, Mark Rowley, chef de l'unité antiterroriste de Londres, a déclaré dimanche que huit agents de police avaient tiré une cinquantaine de balles pour neutraliser les trois assaillants. Il a ajouté que les enquêteurs progressaient de manière significative dans l'identification des assaillants.

La double attaque n'a pas été revendiquée mais le groupe Etat islamique a diffusé samedi sur la messagerie cryptée Telegram un message dans lequel il appelle ses partisans à attaquer avec des camions, des couteaux et des armes à feu les "Croisés" pendant le mois sacré de ramadan.

"Nous sommes persuadés d'avoir affaire à un nouveau type de menace car le terrorisme nourrit le terrorisme et les auteurs sont incités à commettre leurs attaques non seulement sur la base de complots minutieusement élaborés (...), non seulement par des assaillants isolés radicalisés sur internet, mais aussi en se copiant les uns les autres et en utilisant les moyens les plus sommaires", a déclaré Theresa May.

L'ancienne ministre de l'Intérieur de David Cameron (2010-2016), à la tête du gouvernement depuis onze mois, a promis de lutter avec détermination contre l'extrémisme islamiste, qualifié de perversion de l'islam.

"Même si nous avons beaucoup progressé ces dernières années, il y a encore, pour être honnête, beaucoup de trop de tolérance envers l'extrémisme dans notre pays", a dit la dirigeante conservatrice, ajoutant que les attaques de Manchester et de Londres n'étaient pas liées pour ce qui est de leur préparation et de leur exécution, mais qu'elles s'inspiraient toutes deux d'une "même idéologie néfaste de l'extrémisme islamiste" qui constitue une perversion de la religion musulmane.

CONCERT À MANCHESTER

Le périmètre de sécurité déployé autour de London Bridge a été maintenu dimanche et la station de métro London Bridge restait fermée. La police scientifique continuait de relever des éléments sur le site.

Après l'attentat de Manchester, le niveau d'alerte avait été relevé de "sévère" à "critique", son niveau le plus élevé, par crainte d'une nouvelle attaque. Il avait été rabaissé quelques jours plus tard. Un concert en hommage aux victimes devait se tenir dimanche soir à Manchester. Il a été maintenu et a débuté dans des conditions de sécurité encore plus renforcées et dans une émotion aisément perceptible.

Le maire de Londres, Sadiq Khan, a dénoncé une "attaque délibérée et lâche contre des innocents". "Il n'y a aucune justification à de tels actes barbares", a-t-il dit.

Un Français a été tué et sept autres sont hospitalisés, dont quatre dans un état grave, a annoncé dimanche le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, précisant être également sans nouvelles d'un neuvième ressortissant.

Le président Emmanuel Macron a assuré sur Twitter que la France était "plus que jamais aux côtés du Royaume-Uni". La chancelière allemande, Angela Merkel, a fait de même, insistant sur la "détermination" requise face au terrorisme.

Le président russe, Vladimir Poutine, a exprimé ses condoléances et estimé nécessaire un renforcement des efforts de la communauté internationale pour "lutter contre les forces de la terreur".

Sur Twitter, le président américain Donald Trump a exhorté la communauté internationale à cesser d'être "politiquement correcte" afin de lutter efficacement contre le terrorisme.

Donald Trump a estimé que pour assurer leur sécurité, les Etats-Unis avaient "besoin de l'interdiction de voyage" qu'il a, sans succès, voulu imposer aux ressortissants de plusieurs pays à majorité musulmane.

A Rome, le pape François a invité tous les fidèles réunis place Saint-Pierre à prier pour les victimes.

L'Iran a estimé pour sa part que l'attentat de Londres était une "piqûre de rappel" et a exhorté les pays occidentaux à s'en prendre aux sources idéologiques et financières du terrorisme, dans une allusion transparente à l'Arabie saoudite.

(Avec le bureau de Londres et les rédactions de Reuters à Paris, Berlin, Washington, Rome; Tangi Salaün, Gilles Trequesser, Jean-Stéphane Brosse et Henri-Pierre André pour le service français)