* Dizaines d'arrestations, dont la fille de Sadiq al Mahdi

* Des véhicules blindés déployés dans les rues

* Le ministre de l'Intérieur accuse certains de semer le chaos

KHARTOUM, 31 décembre (Reuters) - Les forces de sécurité soudanaises ont tiré des gaz lacrymogènes lundi en direction de centaines de manifestants qui tentaient de marcher vers le palais du président Omar Hassan al Bachir à Khartoum.

Les policiers ont arrêté lundi plusieurs dizaines de personnes, dont Zeïnab al Mahdi, la fille du président du parti Oumma (opposition), Sadiq al Mahdi.

Des véhicules blindés équipés de mitrailleuses stationnaient dans les rues avoisinantes et des agents avaient pris position sur les toits.

"Le peuple veut la chute du régime!", ont scandé des manifestants, en écho aux slogans repris durant les soulèvements du printemps arabe.

La colère provoquée par les hausses de prix, les pénuries de certaines denrées de base et de liquidités est à l'origine de manifestations à travers le pays depuis deux semaines, qui se transforment progressivement en un mouvement anti-Bachir.

Des personnalités de l'opposition et certains syndicats avaient appelé à une grande manifestation lundi dans la capitale, à la veille de la fête de l'indépendance.

Militants et défenseurs des droits de l'homme accusent le régime soudanais de faire un recours excessif à la force, mais le ministre de l'Intérieur, Ahmed Bilal Othman, a affirmé que les manifestations de lundi étaient "limitées" et avaient été traitées "conformément à la loi".

"Si les manifestations portant sur les pénuries de pain et de carburant peuvent se justifier, certains cherchent à les détourner pour semer le chaos(...). Nous constatons une décrue des manifestations", a dit le ministre de l'Intérieur à Reuters.

A Khartoum, le principal rassemblement de lundi s'est scindé en petites manifestations dans le centre, ont rapporté des témoins.

DÉBOIRES ÉCONOMIQUES

"La principale demande de l'opposition, à ce stade, porte sur un changement total de régime et sur la création d'un gouvernement de transition qui favorisera la stabilité politique et économique du Soudan", a expliqué Ibrahim al Lameen, vice-président du parti Oumma.

"Nous rejetons le recours excessif à la force, qui a entraîné la mort de manifestants. Ces pratiques n'endiguent absolument pas la colère du peuple", a-t-il dit à Reuters par téléphone.

Les autorités ont fermé les écoles, décrété l'état d'urgence dans plusieurs régions et interpellé certaines figures de l'opposition depuis le début de ces manifestations, le 19 décembre dans la ville d'Atbara (nord-est du Soudan).

Les forces de sécurité ont fait usage à maintes reprises de gaz lacrymogènes, de grenades assourdissantes et ont tiré à balles réelles sur les manifestants, selon des témoins.

Le bilan officiel fait état d'au moins 19 morts, dont deux militaires. En début de semaine dernière, Amnesty International parlait quant à elle de 37 morts. Le ministre de l'Intérieur a déclaré à Reuters que 125 policiers avaient été blessés depuis le début de ces troubles.

Le pays est en proie à une crise économique profonde qui a débuté en 2011, après le référendum en faveur d'une sécession de la partie sud. L'accession du Soudan du Sud à l'indépendance a amputé l'économie nationale des trois quarts de ses revenus pétroliers.

L'opposition accuse en outre le président Omar Hassan al Bachir de mauvaise gestion. La forte dévaluation de la livre soudanaise, en octobre, n'a pas permis de relancer l'économie. (Khalid Abdelaziz; Eric Faye pour le service français)