Perte rapide et conséquentes de poids et d'appétit, réduction des risques de décès par crise cardiaque, diabète ou accident vasculaire cérébral, protection du foie, du cœur et des reins, voilà la promesse de ces médicaments magiques. Sans surprise, sur une planète peuplée d'un tiers d'humains en surpoids, les "semaglutides" se sont ouvert un marché considérable.

Aux Etats-Unis, plus de 9 millions de personnes étaient déjà clientes de ces types de traitement en 2022, et les volumes de prescription pour ces médicaments ont augmenté de 300% entre le T1 2020 et T4 2022. Bank of America prévoit par ailleurs que 48 millions d'Américains (environ 1 personne sur 7) prendront ces médicaments d'ici à 2030, et ce, en dépit d'un prix prohibitif (entre 300 et 1 300 dollars par mois actuellement). 

Victimes de leur succès

Les résultats sont sans appel : ces traitements fonctionnent, les promesses sont respectées. Alors, dans un monde gouverné par l'image et les likes, la recherche d'un corps de rêve et la chirurgie esthétique, il a fallu peu de temps aux sémaglutides pour passer des étagères des patients en réel besoin (diabétiques et obèses) à celles des personnes en bonne santé ou en très léger surpoids désireuses de profiter aussi des effets amaigrissants de cet élixir de beauté, au premier rang desquelles, les stars et influenceurs. Les patients sous anti-dépresseurs, victimes de prise de poids soudaine, ont aussi eu droit à une ordonnance. Et tout ce petit monde s'est mis à s'injecter de l'Ozempic.   

Face à l'afflux de demandes, les stocks des pharmaciens se sont réduits comme peau de chagrin et les usines de production ont été mises sous pression. Car l'enjeu est énorme : le cours de l'action d'Eli Lilly, par exemple, a gagné 40 % depuis que la pharma a lancé le Mounjaro. 

Pour pallier la pénurie naissante, les fabricants ont pris des mesures : Novo Nordisk a notamment annoncé investir 6 milliards de dollars d'ici fin 2029 (dont 2,1 cette année en France) pour renforcer sa production. Il a également réalloué certaines capacités : il a temporairement réduit l'offre de Victoza, son médicament contre le diabète uniquement, pour augmenter celle d'Ozempic. Il a aussi tenté de préserver ses stocks en réduisant la disponibilité des doses initiales de Wegovy. Ça ne suffira pas. Le géant danois a d'ores et déjà prévenu les praticiens de santé que l'un et l'autre seront en pénurie jusqu'à la fin de l'année 2024, et qu'il ne fallait pas prescrire les traitements à de nouveaux patients, sauf raison impérieuse. 

Une mobilisation des gouvernements 

Les autorités de plusieurs pays, comme la France, lui ont emboîté le pas en incitant les médecins à utiliser des alternatives aux sémaglutides quand cela est possible, dans l'optique de réserver les traitements aux patients diabétiques déjà déstabilisés avec ces derniers, et en invitant les pharmaciens à plus de vigilance. 

Certains gouvernements sont allés un peu plus loin. La Belgique et le Royaume-Uni ont interdit complètement la prescription d'Ozempic et des médicaments similaires pour la perte de poids, sauf dans certaines conditions. L'Allemagne de son côté envisage d'interdire les exportations du médicament hors de ses frontières. 

La réponse du marché noir

Comme souvent, quand la distribution officielle est à la peine, s'organise une distribution secondaire. C'est ainsi que des canaux non officiels de revente de boîtes d'Ozempic et de Wegovy sont nés, et que des contrefaçons des traitements sont apparues sur Internet. Faut-il désormais qu'on s'attende à voir, dans les rues sombres aux heures tardives, des gourmands s'échanger des doses de Wegovy sous le manteau ? 

Dessin d'Amandine Victor




 

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