FRANCFORT (Reuters) - Le personnel de la Banque centrale européenne (BCE) perd confiance dans la direction de l'institut d'émission en raison de son incapacité à endiguer l'inflation et d'un désaccord sur les salaires, montrent les conclusions d'un sondage du syndicat IPSO.

Ce sondage a été réalisé par IPSO dans le cadre d'un conflit entre la BCE et le syndicat, qui détient six des neuf sièges au sein du comité du personnel, sur les rémunérations et le télétravail.

Il s'agit du premier sondage du syndicat concernant le degré de confiance des salariés dans le top management depuis que Christine Lagarde a pris la présidence de la BCE fin 2019.

Un porte-parole de l'institution, qui n'a pas commenté directement les conclusions du sondage, a souligné qu'une enquête distincte auprès du personnel, menée par la BCE elle-même en 2022, montrait que 83% des quelque 3.000 salariés interrogés étaient fiers de travailler pour la banque centrale et que 72% la recommanderaient.

Selon le sondage du syndicat dont les résultats ont été envoyés aux employés mardi et que Reuters a pu consulter, deux tiers des quelque 1.600 employés interrogés ont déclaré que leur confiance en Christine Lagarde et les cinq autres membres du directoire de la BCE a été altérée notamment par l'inflation galopante et une augmentation de salaires en inadéquation avec la hausse des prix.

Un peu moins de la moitié des sondés accordent une confiance "modérée" (34,3%) ou "élevée" (14,6%) en Christine Lagarde et dans le directoire en ce qui concerne la direction et la gestion de la BCE.

Plus de 40% des personnes interrogées ont répondu avoir une confiance "faible" (28,6%) ou "nulle" (12%) tandis que 10,5% ont préféré ne pas se prononcer.

"C'est une préoccupation sérieuse pour notre institution car personne ne peut diriger correctement une organisation sans la confiance de son personnel", a déclaré le syndicat IPSO dans un message accompagnant les conclusions du sondage.

HAUSSE DE SALAIRE JUGÉE INSUFFISANTE EN 2022

Les oppositions en interne sont rares au sein des banques centrales et elles risquent d'autant plus de frapper les esprits qu'elles concernent le coeur de mission la BCE: les salaires et l'inflation.

La BCE essuie déjà les critiques de responsables politiques, de banquiers et d'universitaires pour avoir initialement sous-estimé la hausse des prix puis pour avoir essayé de la compenser par une remontée rapide des taux d'intérêt.

Une enquête similaire de l'IPSO réalisée juste avant la fin du mandat de Mario Draghi, le prédécesseur de Christine Lagarde, a montré que 54,5% des 735 personnes interrogées ont jugé sa présidence "très bonne" ou "exceptionnelle", le niveau de soutien à ses actions étant encore plus élevé.

Une majorité de participants à l'enquête d'octobre 2019 se sont toutefois plaints du manque de transparence dans le recrutement et du favoritisme perçu sous la présidence de l'économiste italien.

Selon le dernier sondage, 63% des salariés interrogés s'inquiètent de la capacité de la BCE à protéger leur pouvoir d'achat après avoir reçu une augmentation de salaire de 4% en 2022, soit environ la moitié de la hausse des prix à la consommation.

Christine Lagarde et les autres membres du directoire, dont le vice-président, Luis de Guindos, et Isabel Schnabel, craignent qu'une "spirale salaires-prix" s'installe dans la zone euro, ce qui compliquerait l'objectif de ramener l'inflation, actuellement à 9,2%, vers la cible de 2%.

Mais les syndicalistes d'IPSO, qui réclament une augmentation des rémunérations plus importante, estiment cette inquiétude inappropriée.

"La BCE prêche peut-être la baisse des salaires réels mais ce n'est pas notre position en tant que syndicat du personnel", écrit IPSO dans un message envoyé aux employés de la BCE.

(Version française Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault)

par Francesco Canepa