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MALE, 5 février (Reuters) - Le président des Maldives, Abdulla Yameen, a déclaré lundi l'état d'urgence pour 15 jours, ordonné aux forces de sécurité de prendre position à la Cour suprême et d'arrêter un ancien président, une démarche vue par l'opposition comme une "purge".

Le président Yameen est en conflit avec la Cour suprême et s'est opposé à une décision rendue la semaine dernière par la haute juridiction.

La Cour suprême a demandé dimanche l'application de sa décision ordonnant de lever la peine de 13 ans d'emprisonnement contre l'ancien président Mohamed Nasheed et de libérer huit dirigeants de l'opposition.

"Le président a été contraint de déclarer l'état d'urgence à cause de la menace portée actuellement à la sécurité nationale", explique un communiqué des services présidentiels.

"L'application de la décision de la Cour suprême est, dans sa forme actuelle, incompatible avec le maintien de la sûreté publique", est-il ajouté.

Quelques heures après l'annonce de l'instauration de l'état d'urgence, les forces de sécurité ont fait irruption à la Cour suprême, a dit à Reuters le porte-parole de la juridiction, Faisal Adam.

En fin de soirée, les routes menant au bâtiment ont été barrées et des policiers, armés de matraques, ont dispersé des manifestants.

"Je viens de parler au président de la cour, il se trouve à l'intérieur où l'armée a fait irruption. Personne ne peut entrer ni sortir", a expliqué à Reuters le président de l'ordre des magistrats, Husnu Al Suood, lundi en fin de soirée. "L'état d'urgence signifie que les activités de la Cour suprême sont stoppées, donc personne n'est en charge du judiciaire."

"C'est une purge politique, parlementaire et judiciaire", a déclaré Eva Abdulla, parlementaire de l'opposition, qui voyait en la déclaration de l'état d'urgence "un signe de désespoir du président Yameen".

La police a par ailleurs procédé lundi à l'arrestation de l'ancien président Maumoon Abdul Gayoom à son domicile, a annoncé à Reuters son porte-parole, Abdul Aleem. Son gendre a aussi été arrêté.

Maumoon Abdul Gayoom, au pouvoir pendant 30 ans, de 1978 à 2008, est le demi-frère de Yameen. Son fils, Farish, un parlementaire de l'opposition, fait partie des huit dirigeants dont la Cour suprême a demandé la libération.

Le bras de fer entre Abdulla Yameen et la Cour suprême est la plus grave crise que traverse l'archipel depuis la prise de pouvoir de Yameen en 2013 lors d'une élection jugée truquée par les partisans de l'ancien président, Mohamed Nasheed.

Nasheed, acculé à la démission en 2012, a été condamné en 2015 à 13 ans d'emprisonnement sur la base des lois antiterroristes. Il a obtenu l'exil de la Grande-Bretagne et se trouve actuellement au Sri Lanka.

(Mohamed Junayd et Shihar Aneez, avec Tom Lasseter, Ranga Sirilal et Makini Brice, Jean Terzian pour le service français)