ANKARA, 2 janvier (Reuters) - Le parquet de Turquie a été saisi d'une plainte pénale déposée par l'armée visant à rejuger plusieurs centaines de gradés de haut rang condamnés pour avoir comploté en vue de renverser le Premier ministre Tayyip Erdogan en 2003.

En octobre, une cour d'appel a confirmé les condamnations allant de 13 à 20 ans de prison de 326 officiers accusés d'avoir voulu mener un coup d'Etat dans le cadre d'une conspiration baptisée Balyoz (masse de forgeron).

La saisine du parquet par l'institution militaire intervient alors que le gouvernement d'Erdogan est affaibli par la démission de trois ministres impliqués dans des affaires de corruption. Ces affaires ont suscité des inquiétudes sur l'indépendance de la justice turque.

Selon le journal Hurriyet, le recours déposé par l'armée estime que les preuves ayant conduit à la condamnation des officiers en première instance en 2012 avaient été fabriquées.

Un porte-parole de l'état-major a confirmé qu'une procédure avait été engagée mais n'a pas fourni de précision sur son contenu.

"Si la plainte est jugée recevable, un nouveau procès est certain", a commenté Haluk Peksen, l'un des avocats de la défense.

Erdogan a estimé que les affaires de corruption révélées le mois dernier et impliquant des membres de son cabinet constituaient une tentative soutenue par des puissances étrangères pour affaiblir son pouvoir.

En guise de réponse, il a limogé 70 officiers de police en charge des investigations et a empêché l'ouverture d'une autre enquête sur des projets de travaux publics.

La semaine passée, Yalcin Akdogan, conseiller du chef du gouvernement, a suggéré l'idée qu'une conspiration impliquant certains rouages de l'appareil judiciaire visaient à la fois l'armée et le gouvernement civil.

"Ceux qui complotent contre l'armée de leur pays et contre l'administration civile qui a su gagner le coeur de l'opinion publique savent très bien qu'ils n'agissent pas pour le bien de leur pays", écrivait Akdogan dans une tribune publiée par le journal Star le 24 décembre.

Pour les avocats des militaires condamnés, cette tribune constitue l'aveu que leurs clients ont été victimes d'une conspiration et qu'ils doivent être rejugés.

Akdogan a ensuite expliqué que ces propos avaient été mal interprétés et qu'il n'avait fait référence à aucune procédure judiciaire en particulier.

(Tulay Karadeniz; Pierre Sérisier pour le service français) ;))