* Deux Franco-Syriens disparus dans les geôles d'Assad

* Des mandats émis pour complicité de crimes contre l'humanité (Avec précisions)

PARIS, 5 novembre (Reuters) - La France a émis le 8 octobre des mandats d'arrêt internationaux contre trois hauts responsables des services de renseignement du régime syrien de Bachar al Assad, dans le cadre d'une enquête sur la disparition de deux Franco-Syriens, un père et son fils.

Il s'agit notamment d'Ali Mamlouk, chef du bureau de la sécurité nationale et proche conseiller de Bachar al Assad, et de Jamil Hassan, chef des services de renseignement de l'armée de l'air syrienne, qui administre les centres de détention du régime, ont précisé une source judiciaire et l'avocate d'Obeïda Dabbagh, frère et oncle des deux disparus.

Selon Me Clémence Bectarte, également avocate de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), le troisième homme, Abdel Salam Mahmoud, dirigeait la branche investigation de ces services sur la base aérienne de Mezzeh, près de Damas, quand Mazen et Patrick Dabbagh y ont été emprisonnés après leur arrestation en novembre 2013.

Selon une commission d'enquête des Nations unies, l'aéroport militaire de Mezzeh cachait "un lieu de détention parmi les plus meurtriers de Syrie", rappelle la FIDH dans un communiqué.

Abdel Salam Mahmoud est présenté par la source judiciaire comme étant le directeur de la branche de Bab Touma, à Damas, des services de renseignement de l’armée de l’air. Mais selon Me Bectarte, il occupait cette fonction antérieurement.

Mazen et Patrick Dabbagh sont portés disparus depuis leur arrestation par des agents de ces mêmes services.

A la suite d'une plainte d'Obeïda Dabbagh, frère de Mazen, de la FIDH et de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le pôle crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre du parquet de Paris a ouvert en octobre 2016 une information judiciaire pour disparitions forcées et tortures constitutives de crimes contre l'humanité et complicité de ces crimes.

ACTES DE DÉCÈS

Selon une source judiciaire, les investigations ont notamment établi que la maison de Mazen et Patrick Dabbagh à Damas avait été "réquisitionnée par des membres des services liés à leur arrestation".

Le régime de Damas a fini par publier leur acte de décès l'été dernier - décès qui seraient intervenus dès janvier 2014 pour Patrick Dabbagh et en novembre 2017 pour Mazen.

La publication par les autorités syriennes de ces actes de décès a également contribué à accélérer l'enquête française.

Le magistrat instructeur a émis les trois mandats d'arrêt pour complicité d'actes de tortures, complicité de disparitions forcées, complicité de crimes contre l'humanité, de crimes de guerre et de délits de guerre.

"C'est une grande victoire pour tous ceux qui se battent contre l'impunité des crimes commis par le régime syrien et un signal fort lancé au régime de Damas", a déclaré à Reuters Me Bectarte. La FIDH a pour sa part salué dans un communiqué une "avancée décisive".

L'évaluation du nombre de civils arrêtés et détenus par les forces gouvernementales syriennes ou leurs alliés depuis 2011 varie de 250.000 à un million, rappelle la FIDH.

En 2013, un ancien photographe médico-légal de la police militaire syrienne, connu sous le nom de code de "César", a fait défection en emportant 45.000 photos de personnes présumées mortes dans les geôles du régime de Bachar al Assad depuis 2011. (Emmanuel Jarry, édité par Yves Clarisse)