(Avec réactions, contexte)

PARIS, 31 janvier (Reuters) - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a décidé mercredi de retirer son mandat au PDG de Radio France Mathieu Gallet, après sa condamnation en première instance pour favoritisme.

La décision du gendarme de l'audiovisuel, qui sera effective au 1er mars, ouvre une période d'incertitude pour le groupe radiophonique public et ses 4.500 salariés alors qu'une vaste réorganisation de l'audiovisuel public est en chantier.

Elle marque un coup d'arrêt brutal à l'ascension éclair de Mathieu Gallet, qui avait exclu de démissionner, tout en constituant un camouflet pour le régulateur de l'audiovisuel qui l'avait choisi en 2014 pour prendre la tête de la Maison ronde.

Le CSA rendra public les motifs de sa décision, comme la loi le requiert, ultérieurement dans la journée, a-t-il précisé dans un bref communiqué.

Le régulateur n'a pas précisé à ce stade les modalités de la succession du PDG.

Mathieu Gallet a été condamné mi-janvier par le tribunal de Créteil à un an de prison avec sursis et 20.000 euros d'amende pour des commandes de prestations auprès de sociétés de conseil lorsqu'il présidait l'Institut National de l'Audiovisuel (INA).

Le dirigeant a réfuté ces accusations et fait appel.

La ministre de la Culture Françoise Nyssen avait jugé inacceptable son maintien à la tête du groupe public de radios.

Dans un communiqué, elle a dit prendre acte de la décision du CSA tout en réaffirmant la position de l'exécutif.

"Je rappelle que le gouvernement a tenu une position très claire : l’exemplarité des dirigeants des entreprises est nécessaire", explique-t-elle, ajoutant que "Radio France est au coeur de notre réflexion et des travaux en cours sur la transformation de l’audiovisuel public".

Les avocats de Mathieu Gallet, Mes Christophe Ingrain et Rémi Lorrain, ont dénoncé dans la décision du CSA une "atteinte aux droits" de leur client et un "mauvais signe".

"C’est une décision que nous regrettons profondément. La pression de l’Etat a été plus forte que la présomption d’innocence", ont-ils déclaré à Reuters.

"C’est inquiétant de voir l’Etat promouvoir le principe d’exemplarité parce que c’est le règne de l’arbitraire", ont-ils ajouté. "Désormais, tout homme est présumé coupable jusqu’à ce qu’il prouve son innocence."

RADIO FRANCE "SANS CAPITAINE"

Seul le CSA, qui a nommé Mathieu Gallet à la tête de Radio France en 2014, était habilité à le révoquer.

Le PDG s'était expliqué lundi devant les sages du gendarme de l'audiovisuel lors d'une audition à huis clos.

L'une des principales interrogations porte désormais sur les modalités de désignation de son successeur alors que l'une des pistes étudiées par le gouvernement consisterait à ôter au CSA son pouvoir de désignation des dirigeants de l'audiovisuel public pour le confier aux conseils d'administration.

Certains, comme la présidente de la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat Catherine Morin-Desailly, plaident par ailleurs pour la mise en place d'une gouvernance commune pour l'audiovisuel public, qui regrouperait notamment France Télévision et Radio France.

"Aujourd’hui sans capitaine, le navire Radio France, qui pourtant affiche des résultats d’audience exceptionnels, n'a plus ni gouvernail, ni boussole", s'est alarmé le syndicat SNJ de Radio France.

"Le SNJ demande l’interruption des discussions sur l'avenir de l'audiovisuel public jusqu'à ce que Radio France ait retrouvé un dirigeant légitime, aucun intérimaire ne pouvant raisonnablement engager l'avenir et l'existence même de l'entreprise", ajoute-t-il.

Radio France, qui a bénéficié de bons scores d'audience sous la mandature de Mathieu Gallet, devrait renouer cette année avec un budget à l'équilibre pour la première fois depuis 2014, notamment grâce à des mesures d'économie et au développement de ses ressources en propre.

Le communiqué du CSA : http://bit.ly/2nxCNXY

(Gwénaëlle Barzic, avec Emmanuel Jarry et Jean-Michel Belot, édité par Dominique Rodriguez)