Avec cet accord annoncé mercredi, Sergio Marchionne, l'administrateur délégué de Fiat, conforte sa réputation de négociateur chevronné, près de dix ans après avoir pris les rênes du groupe piémontais alors aux abois.

Le groupe basé à Turin rachètera les 41,46% de parts qu'il ne possède pas encore dans Chrysler à un fonds d'assurance santé pour retraités affilié au syndicat United Auto Workers (UAW).

Ce fonds, de type Veba (Voluntary employee beneficiary association), recevra 3,65 milliards de dollars en cash, dont 1,9 milliard de Chrysler et 1,75 milliard de Fiat. Chrysler s'est également engagé à verser au fonds de l'UAW une somme supplémentaire de 700 millions de dollars sur trois ans.

Le groupe italien précise qu'il ne lui sera pas nécessaire de procéder à une augmentation de capital pour financer l'opération.

La somme versée au fonds de l'UAW est moins élevée que ne le prévoyaient certains analystes et elle valorise Chrysler à 10,5 milliards de dollars.

"Ils ont payé moins que ce que prévoyait le marché et il n'y aura pas d'augmentation de capital pour le financer, il n'est donc pas surprenant que l'action s'envole", a commenté un trader à Milan. Le titre Fiat a fini la journée à 6,92 euros, un niveau sans précédent depuis août 2011.

CRÉER LE SEPTIÈME CONSTRUCTEUR MONDIAL

L'administrateur délégué de Fiat, devenu également directeur général de Chrysler en 2009, lors de la restructuration du constructeur américain en faillite, financée par le gouvernement fédéral, a dû batailler longtemps avec le fonds Veba, qui demandait au départ plus de cinq milliards de dollars.

En septembre dernier, le fonds a exercé une option pour contraindre Chrysler à procéder à une introduction en bourse, une IPO que l'accord de mercredi permettra d'éviter.

Sergio Marchionne rêve depuis longtemps de fusionner les deux groupes pour donner naissance au septième constructeur automobile mondial.

Dans un communiqué, il s'est félicité de la création d'une "structure unifiée qui permettra de mettre en oeuvre pleinement notre vision d'un constructeur mondial".

Chrysler contribue désormais aux bénéfices à Fiat mais les deux entreprises continuent de gérer leurs finances séparément. Une fusion permettrait entre autres à Fiat de pouvoir puiser dans l'importante trésorerie de Chrysler.

L'agence de notation Fitch a toutefois estimé mardi que Fiat ne pourrait pas accéder immédiatement à la totalité de la trésorerie de Chrysler, car cela nécessiterait de modifier les accords de crédit et les émissions obligataires en cours.

ENCORE DES DOUTES

Bien que saluée en Bourse, l'opération ne lève pas les doutes que nourrissent un certain nombre d'observateurs sur l'avenir de Fiat, en raison notamment de son endettement.

"L'endettement net du groupe devrait progresser d'environ 10 milliards d'euros à l'issue de cette transaction, ce qui en fera le fabricant le plus endetté en Europe", souligne Citigroup.

"Nous continuons d'avoir des inquiétudes sur la soutenabilité d'un tel niveau d'endettement."

Qui plus est, rien ne dit que cette fusion suffira à compenser les pertes du constructeur italien en Europe. Le plan de Sergio Marchionne pour renforcer Fiat prévoit des partages de technologie, de trésorerie et de réseaux de concessionnaires avec Chrysler, le troisième constructeur automobile américain.

"C'est une entreprise de plus en plus américaine maintenant, parce qu'en Europe, et surtout en Italie, la conjoncture économique reste difficile", estime Andrea Giuricin, spécialiste des transports à l'université Bicocca de Milan. "Fiat a déjà perdu beaucoup de ses parts de marché en Europe et ce ne sera pas facile de compenser cette perte."

Les syndicats et le gouvernement italiens, eux, espèrent que la montée à 100% dans Chrysler favorisera l'emploi et l'investissement en Italie.

Plusieurs usines du groupe dans la péninsule tournent au ralenti et des milliers de salariés sont au chômage technique.

"Il est essentiel que Fiat nous dise ce qu'il a l'intention de faire dans notre pays", a déclaré jeudi Susanna Camusso, responsable de la confédération syndical CGIL.

De son côté, le ministre de l'Industrie, Flavio Zanonato, a jugé que l'accord allait placer "les usines, le savoir-faire et la technologie italienne au centre de la stratégie de croissance" du nouvel ensemble Fiat-Chrysler.

Avec la contribution de Valentina Za à Milan et Laurence Frost à Paris; Nicolas Delame, Guy Kerivel et Jean-Stéphane Brosse pour le service français, édité par Marc Angrand