(Actualisé, Union européenne, §§ 6-8)

ANKARA, 15 janvier (Reuters) - Recep Tayip Erdogan a enjoint mercredi aux ambassadeurs de Turquie d'insister auprès des alliés d'Ankara pour leur faire comprendre que la vaste enquête pour corruption qui ébranle le pouvoir n'était rien d'autre qu'un complot visant à détruire le prestige de leur nation.

"Nous attendons de vous que vous vous donniez plus de mal pour faire échouer cette opération perfide visant la Turquie en disant la vérité à nos partenaires", a dit le Premier ministre turc à l'occasion de la conférence annuelle des ambassadeurs à Ankara.

"Ils tentent de porter un coup sévère à l'économie de la Turquie. Ils font tout pour pousser les taux d'intérêt au plus haut. Pour inquiéter les investisseurs internationaux, ils usent de tous les moyens. Et le plus important : ils s'acharnent à nuire à l'image de la Turquie dans le monde", a-t-il ajouté.

Le chef du gouvernement islamo-conservateur, au pouvoir depuis 2003, est fragilisé par le scandale qui a éclaté le 17 décembre et conduit à des dizaines d'arrestations ainsi qu'à la démission de trois de ses ministres, dont les fils ont été placés en détention préventive.

Pour le camp Erdogan, l'enquête est un complot orchestré par Fethullah Gülen, un prédicateur exilé aux Etats-Unis et dont les fidèles auraient infiltré la police et la justice turques.

Le gouvernement entend en conséquence renforcer son contrôle sur la nomination des magistrats, ce qui a conduit l'Union européenne à faire part de ses inquiétudes - des inquiétudes que le Premier ministre turc juge infondées.

Le commissaire européen à l'Elargissement, Stefan Füle, rencontrant en début de semaine le nouveau ministre turc des Affaires européennes, Mevlut Cavusoglu, lui a dit que toute réforme du système judiciaire devait respecter les engagements pris par la Turquie envers l'Europe dans le cadre des négociations d'adhésion.

"Je suis désolé mais nous n'allons pas nous laisser duper par des affirmations comme 'c'est contraire aux acquis de l'Union européenne'... Nous savons lire, nous savons écrire, nous savons ce qui se passe", a répliqué Erdogan, sarcastique.

Les effets du scandale sur l'économie se font déjà sentir, notamment sur la confiance des investisseurs. La livre turque s'est de nouveau dépréciée mercredi, accentuant la pression sur la Banque centrale pour un relèvement des taux d'intérêt.

L'agence de notation Fitch a prévenu la semaine dernière qu'une crise prolongée pourrait avoir des répercussions sur la qualité de la "signature" turque sur les marchés obligataires.

"Si on venait à penser durablement qu'on ne peut pas faire d'affaires en Turquie sans pots-de-vin, les investisseurs étrangers pourraient se détourner des opérations de privatisations", estimait cette semaine Huseyin Gurer, associé chez Deloitte. (voir ) (Tulay Karadeniz, Henri-Pierre André et Guy Kerivel pour le service français, édité par Gilles Trequesser)