* Un marché négligé mais pourtant porteur

* L'inflation et la croissance sont de retour

* Les valorisations restent attractives

* Les valeurs domestiques conseillées

par Patrick Vignal

PARIS, 16 avril (Reuters) - Les actions japonaises restent largement délaissées par les investisseurs internationaux mais sont sorties de leur léthargie et méritent une petite place dans les portefeuilles, plaide la responsable de la gestion de cette classe d'actifs pour BNY Mellon Asset Management.

La troisième économie du monde relève enfin la tête, grâce en partie à la politique volontaire, baptisée Abenomics, lancée en 2012 par le Premier ministre Shinzo Abe, déclare à Reuters Miyuki Kashima.

"Nous avons dormi pendant 20 ans mais nous sommes en train de redevenir une économie normale", dit-elle.

Le spectre de la déflation s'éloigne enfin, la croissance est repartie, les entreprises font des bénéfices et les salaires ont recommencé à augmenter dans un environnement de plein emploi, argumente-t-elle.

Des valorisations moins tendues qu'ailleurs complètent le tableau et font que les investisseurs, encore très largement à "sous-pondérer" sur les actions japonaises, pourraient commencer à leur trouver du goût.

"Les gens n'ont pas encore mis d'argent sur le Japon et les investisseurs internationaux sont encore largement sous-pondérés mais on vit une période très intéressante", explique Miyuki Kashima.

"Une classe d'actifs devient attrayante quand il s'y passe quelque chose et que les investisseurs le sentent en se disant qu'ils n'y ont pas encore investi. Le Japon est actuellement dans ce cas de figure."

LES "SMALL CAPS" À PRIVILÉGIER

La déflation chronique qui a longtemps pénalisé l'économie de l'archipel mais aussi la volatilité du yen figurent parmi les raisons pour lesquelles le marché japonais, très peu connecté à ses homologues occidentaux, a longtemps été négligé.

L'inflation commence à se redresser et les fluctuations de la devise ne sont pas un problème si les investisseurs cessent de se concentrer uniquement sur les grosses valeurs exportatrices, avance Miyuki Kashima.

"Maintenant que la portion domestique de l'économie redémarre, il est probablement erroné de baser ces recommandations uniquement sur l'orientation de la devise", dit-elle.

"Il n'y a aucun problème avec les exportateurs mais je crois qu'il est temps de regarder les valeurs domestiques, les "small caps", qui ont tendance à surperformer le marché sur le long terme", poursuit-elle en recommandant aux investisseurs d'acheter en yens et d'avoir ainsi en prime une valeur refuge en portefeuille plutôt que d'avoir à se couvrir contre les risques de change.

Seul pays au monde à avoir souffert durablement de déflation, le Japon a fait de gros efforts pour renouer l'an dernier avec son taux de croissance nominal de 1997, soit 20 ans plus tôt, fait-elle valoir.

"Je crois qu'on n'en donne pas suffisamment crédit à Shinzo Abe, qui a su mettre en oeuvre des mesures monétaires et budgétaires radicales à un rythme très inhabituel pour le Japon", dit-elle.

LA BANQUE DU JAPON A JOUÉ SON RÔLE

En première ligne sur ce front, la Banque du Japon a mis le paquet avec un programme de stimulation baptisé "le bazooka", rappelle-t-elle.

"La politique monétaire a joué un rôle majeur dans la relance de l'économie", dit-elle. "C'était l'étape numéro un des Abenomics mais maintenant, je crois que l'essentiel a été fait et qu'on n'ira pas plus loin. Je pense toutefois qu'il n'y aura pas de resserrement avant que l'objectif d'une inflation à 2% soit atteint. La dernière chose que veut le Japon, c'est retomber dans la déflation. Ce serait un désastre".

Le vieillissement de la population et un endettement public massif, généralement considérés comme les deux principaux handicaps de l'économie japonaise pour les années à venir, ne sont pas nécessairement des problèmes, selon l'experte de BNY Mellon.

Une population en augmentation pourrait devenir moins vitale avec le développement des technologies de l'information et de l'intelligence artificielle, sans oublier que le Japon a déjà commencé à augmenter la participation des femmes au marché du travail et pourrait en cas de besoin ouvrir ses portes à l'immigration, dit-elle.

En ce qui concerne la dette, le Japon ne sera pas une nouvelle Grèce, assure Miyuki Kashima.

"Le secteur privé, les particuliers comme les entreprises, a cessé d'emprunter pendant des années et dispose de grosses réserves de cash", dit-elle.

"Quant au gouvernement, qui a pris la dette à son compte pour soutenir l'économie, il doit maintenant réduire ses dépenses et laisser le secteur privé revenir à la normale en prenant le relais." (édité par Marc Joanny)