* Encore un règlement de comptes mortel à Marseille

* Jean-Marc Ayrault s'y rend avec cinq ministres

* Le Premier ministre annonce des renforts policiers (Actualisé avec visite Ayrault)

par Jean-François Rosnoblet

MARSEILLE, 20 août (Reuters) - Jean-Marc Ayrault s'est engagé mardi à enrayer la spirale de violence qui sévit à Marseille lors d'un déplacement impromptu en compagnie de cinq ministres, au lendemain d'un nouveau règlement de comptes mortel dans les quartiers nord de la ville.

Le Premier ministre a annoncé quelques mesures comme l'envoi de 24 policiers enquêteurs de police judiciaire et d'une compagnie supplémentaire de CRS, soit environ 130 hommes, qui s'ajoutera dès mercredi aux trois déjà présentes.

"Le gouvernement est engagé avec détermination pour faire reculer la violence, la délinquance, le crime à Marseille et dans la région et ça ne date pas d'aujourd'hui", a dit Jean-Marc Ayrault aux journalistes, en rappelant avoir tenu un comité interministériel sur Marseille le 6 septembre.

"Nous avons une stratégie pour travailler au fond des choses", a-t-il ajouté, après une réunion de travail à la préfecture en présence notamment des ministres de l'Intérieur et de la Justice, Manuel Valls et Christiane Taubira.

L'opposition dénonce pour sa part une opération de communication destinée à masquer l'impuissance du gouvernement.

"Ce sont les énièmes déplacements tous aussi inutiles. Ces déplacements ne servent à rien, tout cela, c'est de la communication", a estimé sur i>Télé le député UMP Eric Ciotti, spécialiste des questions de sécurité.

Pour l'ex-ministre UMP de la Justice Rachida Dati, "Marseille est hélas devenue le symbole de l'échec de la politique du gouvernement, de sa déconnexion avec ce que vivent les Français."

Treize personnes ont été tuées dans les Bouches-du-Rhône depuis le début de l'année dont 11 à Marseille.

En 2012, 24 règlements de comptes mortels ont eu lieu dans le département, dont 18 à Marseille, la plupart sur fond de rivalités autour du trafic de stupéfiants.

Le 6 septembre 2012, Jean-Marc Ayrault avait annoncé une "stratégie globale" pour faire de Marseille une métropole de dimension européenne et enrayer la violence endémique.

POLÉMIQUE VALLS-GAUDIN

"Depuis un an, à part quelques policiers supplémentaires, on n'a rien eu", avait dit à Reuters la sénatrice PS de Marseille Samia Ghali avant la venue du Premier ministre. "J'interpelle solennellement le Premier ministre pour lui demander d'apporter les moyens nécessaires pour tirer la ville vers le haut. Sans cela, on n'y arrivera pas."

L'élue socialiste, qui avait demandé l'intervention de l'armée il y a un an, réclame aujourd'hui des "mesures concrètes", notamment une "contractualisation entre la ville de Marseille et l'Etat pour désenclaver une cité coupée en deux" et des actions pour lutter contre le décrochage scolaire qui touche selon elle un jeune sur deux dans certains quartiers.

Le dossier marseillais, qui constitue un test pour une majorité souvent accusée de laxisme par la droite, est suffisamment préoccupant pour avoir contraint Jean-Marc Ayrault à improviser un nouveau déplacement.

Manuel Valls, qui s'était déjà rendu à Marseille la semaine dernière, a mis en cause le maire UMP de la ville, Jean-Claude Gaudin.

"Il a fallu que ce gouvernement se mette en place et que je décide de mettre le paquet sur Marseille (...) pour que Jean-Claude Gaudin décide enfin d'un plan de vidéoprotection pour toute la ville - ça ne concernait que le centre-ville -, décide enfin, progressivement, de mettre en place une police municipale qui n'existait pas", a-t-il dit sur BFM-TV.

Jean-Claude Gaudin s'est aussitôt étonné de "l'agressivité du ministre" et de cet "exercice médiatique". "Ses nombreuses visites ne peuvent pas faire oublier la faiblesse des effectifs de la police nationale, surtout quand on les compare à ceux d'autres grandes villes de France", écrit-il dans un communiqué.

Jean-François Copé, le président de l'UMP, s'est déclaré "stupéfait" des propos du ministre, y voyant le signe d'une "inquiétante fébrilité au sommet de l'Etat", alors que la lutte contre la délinquance "implique du sang-froid et de la fermeté."

SÉRIE SANGLANTE

Les renforts annoncés par le Premier ministre sont destinés à renforcer la Police judiciaire, pour enquêter sur les trafics au coeur des cités, et les effectifs des CRS.

Jean-Marie Allemand, délégué du syndicat Alliance police nationale, estimant avant cette annonce qu'il manquait 300 policiers de terrain à Marseille.

Ce nouveau déplacement ministériel est intervenu après une série de faits divers qui ont ensanglanté le pavé marseillais ces derniers jours : la mort d'un étudiant poignardé au centre ville, celle d'un homme de 18 ans victime d'une rixe et un nouveau règlement de compte mortel dans les quartiers nord.

"Il y a de l'insécurité à Marseille. Aucune ville de France, ni même d'Europe n'a enregistré 11 morts et 9 blessés graves dans des règlements de comptes", souligne Jean-Marie Allemand.

Marseille compte une quarantaine de cités sensibles qui généreraient chacune des bénéfices de l'ordre de 40.000 euros par jour, essentiellement à travers les revenus du trafic de drogue et d'armes.

Les 230 policiers et gendarmes arrivés en renfort et la mise en place de deux zones de sécurité prioritaire (ZSP) dans les quartiers sud et nord de la ville ne sont pas jugés suffisants par les élus locaux comme par les syndicats de policiers pour assurer la sécurité 24 heures sur 24.

Jean-Claude Gaudin a réclamé le placement de l'ensemble de la ville en ZSP. Une demande reprise sans plus de succès par le président PS de la communauté urbaine de Marseille, Eugène Caselli. (édité par Patrick Vignal)