* Les taliban pourraient prendre Kaboul sous 3 mois-représentant US

* Ils semblent chercher une "victoire militaire"-département d'Etat US

* Washington ne change pas son calendrier de retrait

* Divergences à l'UE sur le renvoi des migrants afghans

WASHINGTON, 11 août (Reuters) - Les insurgés taliban pourraient parvenir à isoler la capitale afghane Kaboul dans 30 jours puis éventuellement en prendre le contrôle d'ici 90 jours, a déclaré mercredi à Reuters un représentant du département américain de la Défense, citant des informations des services du renseignement américains.

Il a fait ce commentaire alors que les taliban, qui ont accentué leurs offensives à travers le pays en marge du retrait des troupes américaines, ont multiplié les avancées ces derniers jours et pris mercredi le contrôle d'une huitième capitale provinciale.

Le représentant a ajouté, sous couvert d'anonymat, que l'issue n'était pas inéluctable, déclarant que les forces de sécurité afghanes pouvaient inverser la tendance en se montrant davantage combatives.

S'exprimant plus tard dans la journée, le porte-parole du département d'Etat américain a déclaré que les taliban violaient l'accord qu'ils ont conclu avec Washington en février 2020, lequel prévoit une réduction des violences et la quête d'un cessez-le-feu permanent avec le gouvernement afghan, en échange du retrait des troupes américaines.

Ned Price a ajouté au cours d'un point de presse que tout semblait suggérer que les insurgés cherchaient à obtenir une victoire militaire.

Les taliban contrôlent désormais 65% du territoire afghan et pourraient contrôler 11 capitales provinciales, a indiqué mardi un haut responsable de l'Union européenne.

Au sein du bloc communautaire, le conflit en Afghanistan a aussi mis en exergue les divergences en matière de politique migratoire, alors que six pays de l'UE se sont prononcés la semaine dernière contre la suspension des expulsions des demandeurs d'asile afghans déboutés.

La Grèce, l'un des signataires de la lettre, a réaffirmé sa position mercredi, soulignant les risques d'une nouvelle crise migratoire similaire à celle de 2015. Toutefois deux autres signataires, les Pays-Bas et l'Allemagne, ont annoncé la suspension des expulsions des migrants afghans ayant effectué une demande d'asile.

EXODE VERS KABOUL DIFFICILE À RÉGULER

Reuters a appris d'une source sécuritaire occidentale que tous les accès à Kaboul, qui se trouve dans une vallée montagneuse, étaient peuplées de civils faisant route vers la capitale pour échapper aux violences ailleurs dans le pays. Il est difficile de déterminer si des combattants taliban se trouvent parmi la foule et accèdent aussi à Kaboul, a indiqué cette source.

"La crainte est que des kamikazes pénètrent dans les quartiers diplomatiques pour faire peur, attaquer et s'assurer que tout le monde parte dès que possible", a dit ce représentant.

La Turquie est toujours encline à assurer la protection de l'aéroport de Kaboul après le retrait des troupes américaines et celles d'autres pays, mais elle surveille les avancées des taliban, ont dit deux représentants turcs.

Ankara discute depuis des semaines avec Washington de la sécurisation de l'aéroport de Kaboul, en dépit des menaces adressées à la Turquie par les insurgés afghans.

S'exprimant dans un entretien à la filiale locale de la chaîne de télévision CNN, le président turc Recep Tayyip Erdogan a évoqué l'hypothèse d'une rencontre avec un chef des taliban.

Le Pakistan, que le gouvernement afghan et des puissances occidentales considèrent de longue date comme un soutien des taliban, a assuré par la voix de son Premier ministre qu'il ne soutenait aucun camp. Citant des échanges avec des chefs taliban, Imran Khan a par ailleurs déclaré que les discussions de paix auraient peu de chances d'aboutir tant qu'Ashraf Ghani occuperait la présidence afghane.

DISCUSSIONS MULTILATÉRALES AU QATAR

Avec le retrait de l'armée afghane de Faizabad, capitale de la province du Badakhchtan dans le nord-est du pays, face à l'offensive des taliban, le gouvernement a subi un nouveau revers alors que le président américain Joe Biden a appelé mardi les dirigeants afghans à l'"unité" et à lutter pour sauver leur pays.

Le locataire de la Maison blanche a dit ne pas regretter son choix de retirer l'armée américaine d'Afghanistan, un processus entamé au printemps et qui doit être finalisé au 31 août.

Washington a confirmé mercredi que le calendrier du retrait militaire américain était maintenu. Aucune issue particulière n'est inévitable en Afghanistan, a dit la Maison blanche.

Ce retrait fait suite à un accord conclu par l'administration de l'ancien président américain Donald Trump avec les taliban, en février 2020, prévoyant le retrait des troupes américaines en échange de la promesse d'une réduction des violences en Afghanistan et que le pays ne serve pas de base au terrorisme international.

La vitesse avec laquelle les taliban ont engrangé les gains constitue une surprise amère pour le gouvernement afghan et ses alliés.

Une source américaine, au fait des analyses des services du renseignement, a déclaré que celles-ci présentaient un "éventail" d'issues possibles, allant d'une rapide prise de pouvoir des taliban à un possible accord entre les insurgés et le gouvernement afghan, ou encore de longs affrontements.

Un haut membre des taliban a fait savoir à Reuters que le chef du bureau politique des insurgés s'était entretenu mardi à Doha, au Qatar, avec l'émissaire spécial américain Zalmay Khalilzad. Aucun détail sur les discussions n'a filtré.

Une délégation talibane devait prendre part mercredi à une réunion avec des représentants américains, russes et chinois, a ajouté ce chef taliban sous couvert d'anonymat. (Reportage des bureaux de Kaboul, Islamabad et Washington, avec la contribution des bureaux d'Islamabad et d'Athènes; version française Jean Terzian)