(Actualisé avec tout du long avec déclaration d'Orban à son arrivée, précisions et contexte)

par Andrew Gray et Jan Strupczewski

BRUXELLES, 14 décembre (Reuters) -

Les dirigeants de l'Union européenne (UE) participent jeudi à un sommet de la plus grande importance pour Kyiv, mais les discussions devraient être compliquées par l'opposition du Premier ministre hongrois Viktor Orban à l'ouverture rapide de négociations d'adhésion de l'Ukraine à l'UE et au versement de dizaines de milliards d'euros à ce pays.

Ce sommet intervient à un moment crucial de la guerre en Ukraine, après l'échec de la contre-offensive lancée par Kyiv en juin dernier et alors que l'administration Biden n'a pas encore réussi à faire adopter par le Congrès un programme d'aide à l'Ukraine de 60 milliards de dollars.

Des responsables et diplomates s'attendent à une série de réunions difficiles qui pourraient se prolonger jusque tard dans la nuit de vendredi à samedi, voire jusqu'à la fin de semaine.

Si les dirigeants européens donnent leur feu vert aux négociations d'adhésion et au versement d'une aide financière et militaire à l'Ukraine, Kyiv pourra revendiquer une victoire géopolitique. Un échec serait probablement accueilli par Moscou comme un signe de l'affaiblissement du soutien occidental à l'Ukraine.

A l'exception de Viktor Orban, les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne ont tous soutenu l'ouverture des négociations d'adhésion. Une telle décision requiert toutefois l'unanimité et le Premier ministre hongrois, qui cultive des liens étroits avec Moscou, a insisté sur le fait que l'Ukraine n'était pas prête à franchir une telle étape.

Le président ukrainien Volodimir Zelensky a déclaré que son pays avait mené à bien les réformes politiques nécessaires pour obtenir le feu vert de l'UE et a exhorté le bloc à honorer ses engagements.

"Je compte sur les dirigeants de l'UE pour reconnaître les efforts de l'Ukraine et franchir cette étape historique", a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux après un appel téléphonique avec la présidente du Conseil italien Giorgia Meloni.

Signe des intenses efforts diplomatiques déployés sur le sujet, le président français Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, accompagnés de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et du président du Conseil européen Charles Michel, devaient rencontrer Viktor Orban dans la matinée jeudi avant même le sommet.

A son arrivée à Bruxelles, le dirigeant hongrois a maintenu sa ligne dure sur l'Ukraine.

"Il n'y a aucune raison de négocier l'adhésion de l'Ukraine maintenant", a-t-il déclaré. "Les conditions préalables n'ont pas été remplies. Nous devrons y revenir plus tard", a-t-il ajouté, évoquant les élections européennes de juin prochain.

"BAZAR HONGROIS"

Viktor Orban a fait valoir des préoccupations concernant, entre autres, la corruption en Ukraine pour justifier sa position, mais les responsables et diplomates de l'UE le soupçonnent d'utiliser cette question comme monnaie d'échange dans l'espoir de voir les milliards d'euros de fonds européens gelés l'an dernier en raison de préoccupations sur le respect de l'Etat de droit par son gouvernement être débloqués.

"Nous ne sommes pas dans un bazar hongrois où nous pouvons échanger une chose contre une autre", a déclaré mercredi le Premier ministre belge Alexander De Croo. "L'Ukraine est un pays qui veut respecter les valeurs démocratiques. C'est peut-être une leçon pour Orban lui-même".

La Commission européenne a annoncé mercredi que la Hongrie avait de nouveau accès à 10 milliards d'euros du fonds de cohésion. Elle a aussi rappelé qu'environ 21 milliards d'euros auxquels pourrait prétendre la Hongrie restaient gelés.

Le mois dernier, l'exécutif européen a recommandé aux dirigeants de l'UE d'entamer des négociations d'adhésion avec l'Ukraine. Une deuxième décision est encore nécessaire - peut-être en mars - pour convenir d'un cadre de négociation.

D'après les responsables et diplomates, un compromis pourrait impliquer un délai plus long entre les deux décisions et une formulation dans la déclaration du sommet sur les conditions à remplir dans l'intervalle.

Viktor Orban s'est aussi opposé à une proposition de la Commission européenne visant à accorder à l'Ukraine 50 milliards d'euros sous forme de subventions et de prêts dans le cadre d'une révision plus large du budget de l'UE.

Une telle révision requiert également l'unanimité des pays membres de l'UE, qui doivent en assumer le coût.

Si la Hongrie campe sur ses positions, les autres membres de l'UE pourraient mettre en place un financement hors budget pour l'Ukraine, mais cela serait plus complexe et plus coûteux.

(Avec la contribution de Bart H. Meijer, Charlotte Van Campenhout, Gabriela Baczynska, Julia Payne et Philip Blenkinsop, rédigé par Andrew Gray; version française Camille Raynaud et Blandine Hénault, édité par Kate Entringer)