MOSCOU/PRAGUE (Reuters) - La Russie a qualifié dimanche d'infondées et d'absurdes les accusations de la République tchèque sur une implication des services secrets russes dans l'explosion d'un dépôt de munitions et annoncé des représailles après l'expulsion par Prague de 18 membres de l'ambassade russe.

La République tchèque a annoncé dimanche avoir informé ses alliés de l'Otan et de l'Union européenne qu'elle soupçonnait une implication des services secrets russes dans l'explosion en 2014 d'un dépôt de munitions sur le sol tchèque, qui avait fait deux morts.

Le sujet sera abordé lundi lors d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères.

L'expulsion des diplomates et les accusations de Prague ont provoqué la plus grave crise entre la République tchèque et la Russie depuis la chute du bloc communiste en 1989.

L'incident vient aussi s'ajouter aux tensions déjà vives entre la Russie et l'Ouest à cause du déploiement de troupes russes le long de la frontière ukrainienne.

Le ministère russe des Affaires étrangères a rejeté les accusations tchèques, arguant que l'explosion avait été imputée auparavant aux propriétaires du dépôt, et prévenu que Moscou riposterait durement.

"Nous prendrons des mesures de représailles qui contraindront les auteurs de cette provocation à comprendre pleinement leur responsabilité dans la destruction des fondations des liens normaux entre nos pays", peut-on lire dans un communiqué du ministère.

Le ministre tchèque de l'Industrie Karel Havlicek a prévenu de son côté que le russe Rosatom ne participera très probablement pas au projet de construction d'une nouvelle centrale nucléaire dans la république tchèque, ni même à l'étude de sécurité précédant l'appel d'offres.

DISCUSSIONS EUROPEENNES LUNDI

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont offert leur support à la République tchèque dans son bras de fer avec la Russie. Un responsable de l'Otan, l'alliance militaire dont la République tchèque fait aussi partie, a également annoncé soutenir Prague dans son enquête sur les "activités nocives" de la Russie sur son territoire.

Les tensions se multipliaient déjà avec la Russie en raison du déploiement de troupes russes le long de la frontière avec l'Ukraine. Les Etats-Unis ont imposé jeudi des sanctions contre Moscou pour ses pressions sur l'Ukraine mais aussi pour ce que Washington décrit comme une interférence russe dans l'élection présidentielle américaine de 2020.

Selon des extraits d'une interview à la chaîne de télévision américaine CBS, réalisée vendredi, avant l'éruption de la crise entre Prague et Moscou, Emmanuel Macron a déclaré que la communauté internationale doit tracer "des lignes rouges claires" avec la Russie et envisager de possibles sanctions contre Moscou lorsque ces lignes sont franchies.

La santé de l'opposant Alexeï Navalny constitue une autre pomme de discorde. Un syndicat de médecins proche du principal opposant au président russe Vladimir Poutine, actuellement en détention, a déclaré samedi qu'il était sous la menace d'une insuffisance rénale après plus de deux semaines de grève de la faim.

La Maison blanche a prévenu dimanche "qu'il y aura des conséquences" si Alexeï Navalny venait à mourir. Les défenseurs de l'opposant prévoient une manifestation mercredi dont ils espèrent qu'elle sera la plus importante dans l'histoire de la Russie moderne.

"Je considère la situation de M. Navalny extrêmement préoccupante, et je constate qu'il y a vraiment une dérive autoritaire en Russie", a dit de son côté le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur France 3. "Je souhaite que les mesures soient prises pour assurer non seulement l'intégrité physique de M. Navalny mais aussi sa libération."

(Gabrielle Tétrault-Farber à Moscou, Robert Muller à Prague, Gilles Guillaume pour la version française)