(Répétition mastic)

par Raoul Sachs

PARIS, 31 janvier (Reuters) - La semaine qui vient de s'écouler a démontré une nouvelle fois les effets anxiogènes et perturbateurs sur les marchés d'actifs risqués du coup d'envoi effectif de la sortie progressive des mesures non conventionnelles prises par la Réserve fédérale des Etats-Unis pour sortir l'économie et le système financier américains de la crise.

Les mouvements violents qui ont secoué les Bourses mondiales ainsi que les marchés et les devises des émergents avant et après la dernière réunion du comité de politique monétaire de la Fed sont venus rappeler le rôle central de cette banque sur les marchés mondiaux même si ses décisions procèdent essentiellement de préoccupations internes aux Etats-Unis.

De son côté, la Banque centrale européenne, confrontée au risque de déflation et à une zone monétaire hétérogène, se dit prête à agir mais pour l'instant bouge peu, tant son équation diffère de celle de la Fed du fait aussi d'une croissance plus faible en zone euro et de circuits de financement des entreprises encore très différents de part et d'autre de l'Atlantique.

Face à la chute de leurs devises contre le dollar, plusieurs banques centrales de pays émergents ont relevé leurs taux d'intérêt directeurs, la banque turque n'hésitant pas à doubler leurs niveaux. Et Wall Street, qui avait grimpé de près de 30% en 2013 (S&P 500 ), a perdu près de 3% cette semaine.

"Tout cela montre les interconnexions fortes des marchés mondiaux, la liquidité mondiale surabondante ayant été alimentée par la Fed d'abord mais aussi par la Banque du Japon et la Banque d'Angleterre", souligne Hervé Goulletquer, responsable mondial de la recherche marché chez Crédit agricole CIB.

"La scène des marchés mondiaux est de fait gérée par la Fed", ajoute-t-il en soulignant que les marchés obligataires ont beaucoup moins réagi que les marchés d'actions.

La Fed a annoncé mercredi sa décision, largement anticipée par les marchés, de réduire ("to taper") de 10 milliards de dollars son programme d'assouplissement quantitatif (QE) d'achats d'obligations du Trésor et d'obligations adossées à des prêts hypothécaires.

Elle a procédé en janvier à une première réduction de 10 milliards, ce qui a ramené le QE à 75 milliards de dollars d'achats mensuels. En février, le QE descendra à 65 milliards de dollars. Si le "tapering" continue au rythme de 10 milliards de dollars par mois, le QE prendra fin cet été.

"CORRECTION" OU "DÉBUT DE BEAR MARKET"

Depuis le début de la crise en 2008, la Fed a injecté massivement des liquidités, et en janvier 2014 son bilan dépassait les 4.000 milliards de dollars.

A l'issue du dernier FOMC, la Fed, soucieuse de ne pas menacer la reprise en cours aux Etats-Unis, a répété son "indication prospective" (forward guidance) qui accompagne le "tapering" du QE : le maintien de son principal taux directeur à son niveau actuel, proche de zéro, pour une période prolongée (courant 2015 ou pas avant la fin 2015, selon les anticipations).

Dans ce contexte, la tempête qui vient de frapper les marchés devrait se calmer si les actions américaines se reprennent après une correction, estime Hervé Goulletquer, pour qui la baisse de ces derniers jours n'est pas "un début de bear market".

Les pays émergents ont subi depuis le printemps dernier les effets de la réduction, annoncée par la Fed, de la liquidité mondiale qui, surabondante ces dernières années, était allée chercher du rendement dans ces régions à forte croissance?

Aujourd'hui, ces pays connaissent aussi un ralentissement économique que les derniers resserrements monétaires ne vont pas arranger.

Toutefois, dit Hervé Goulletquer, si les actions américaines rebondissent et que la croissance chinoise, pilier de l'univers émergent, évolue effectivement au rythme de 7,7% voulu par les autorités, la situation sur les marchés, notamment émergents, devrait s'améliorer.

Quant à la BCE qui, contrairement à la Fed, n'a pas fait de QE, elle est plutôt attentiste d'autant que le spectre de la déflation plane de nouveau avec une inflation revenue au niveau très bas de 0,7% en janvier en zone euro contre 0,8% en décembre.

Dominique Barbet et Patrick Jacq, stratégistes taux chez BNP Paribas, estiment qu'une baisse des taux de la BCE aurait plus de sens en zone euro qu'un QE. Dans une zone euro où 60% du financement des entreprises dépend des banques, une baisse de leurs coûts de refinancement serait plus approprié qu'un QE efficace aux Etats-Unis où le financement passe, à plus de 60%, par les marchés.

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