par Tom Bergin

Bob Dudley, qui supervisait jusqu'ici la lutte contre la marée noire, prendra ses fonctions le 1er octobre. Le géant pétrolier espère ainsi étouffer les critiques particulièrement virulentes aux Etats-Unis.

"Il n'est pas possible que le groupe continue comme avant aux Etats-Unis si je reste à sa tête", a expliqué Tony Hayward à la presse. "Je pense donc que, pour le bien de BP, et en particulier pour le bien de BP aux Etats-Unis, il est préférable que je démissionne."

Cette annonce coïncide avec celle d'une charge exceptionnelle de 32,2 milliards de dollars (24,8 milliards d'euros) liée à la marée noire, qui fait plonger les comptes du groupe britannique dans le rouge à hauteur de 16,97 milliards pour le seul trimestre avril-juin.

Hors coûts liés à la marée noire et autres charges non opérationnelles, BP affiche au deuxième trimestre un bénéfice ajusté des coûts de remplacement de 4,98 milliards de dollars, conforme au consensus Reuters établi à partir des estimations de 11 analystes.

Le bénéfice ajusté des coûts de remplacement exclut les gains ou pertes liés à l'évolution de la valorisation des réserves de carburants, et est ainsi comparable au bénéfice net.

Dans un communiqué distinct, BP précise que ses cessions d'actifs pourraient atteindre un montant global de 30 milliards de dollars sur les 18 prochains mois, ce qui pourrait lui permettre de ramener son endettement entre 10 et 15 milliards de dollars.

Le groupe ajoute qu'il réexaminera sa politique en matière de dividende une fois établis les résultats du quatrième trimestre.

"UNE ENTREPRISE DIFFÉRENTE"

"La tragédie de l'explosion du puits Macondo et les dommages environnementaux qui en ont découlé ont marqué un tournant", a déclaré le président du groupe, Carl-Henric Svanberg après l'annonce du départ de Tony Hayward.

"BP reste une entreprise solide (...) mais sera désormais une entreprise différente."

Bob Dudley, 54 ans, actuellement responsable des activités du groupe aux Etats-Unis, sera basé à Londres après sa prise de fonctions et cédera la direction de la branche américaine à Lamar McKey, a précisé BP.

Le nouveau directeur général devra agir vite pour tenter de redorer le blason de la compagnie pétrolière aux Etats-Unis, son premier marché, et pour renforcer la sécurité sur les sites du groupe, tout en engageant BP dans une sévère cure d'amaigrissement.

BP s'est engagé à financer un fonds d'indemnisation de 20 milliards de dollars pour couvrir le coût de l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon, qui avait fait onze morts le 20 avril. La fuite a pollué les côtes de cinq Etats du sud des Etats-Unis, portant un grave préjudice au tourisme et à l'industrie de la pêche.

La nomination de Dudley devrait également s'accompagner d'un changement de politique à la tête du groupe, la direction actuelle ayant été critiquée pour sa tendance à prendre des risques. Bob Dudley a toutefois exclu que la culture d'entreprise du groupe puisse être à l'origine de la catastrophe.

Le titre BP, qui a perdu plus de 100 milliards de dollars au plus fort de la crise, était en hausse de 0,47% à la mi-journée.

BP a perdu 40% de sa valeur en Bourse depuis le début de la catastrophe.

TÊTE COUPÉE

BP pourrait entamer la procédure finale visant à mettre hors d'état de nuire le puits endommagé en fin de semaine prochaine, a déclaré le responsable de la gestion de la marée noire. Cette procédure, baptisée "Static Kill", consiste à injecter liquide et ciment dans le puits Macondo.

L'équivalent de plus de cinq millions de barils de brut se sont écoulés dans le golfe du Mexique depuis le début de la fuite, selon les estimations du gouvernement américain.

Bob Dudley, originaire du Mississippi, sera le premier non-Britannique à prendre la direction générale de BP. Il était auparavant responsable de la coentreprise de BP en Russie, TNK-BP, jusqu'à ce qu'un différend entre BP et ses partenaires russes ne le contraigne à fuir le pays.

Tony Hayward prendra la direction non exécutive de TNK-BP. Selon son contrat, il recevra une indemnité représentant un an de salaire, soit 1,045 million de livres sterling (1,25 million d'euros).

Tony Hayward, 53 ans, a été la cible de vives critiques aux Etats-Unis après avoir dit vouloir "récupérer sa vie", s'estimant trop sollicité quelques semaines seulement après l'explosion. Il s'était également attiré les foudres de l'administration américaine pour avoir, lors de son audition devant le Congrès, tenté d'esquiver la responsabilité de son groupe.

"Il est d'usage que l'on coupe des têtes lorsque les choses ne vont pas bien, et généralement on commence par celles du haut", résume Steve Goldman, stratégiste de marché chez Weeden & Co.

Marc Angrand et Catherine Monin pour le service français, édité par Dominique Rodriguez