L'indice Standard & Poor's 500, principale référence de nombreux investisseurs, a perdu 1,45% jeudi, sa deuxième plus forte baisse de l'année, et le Nasdaq a abandonné 2,13%.

"Les marchés sont à la recherche de la moindre raison de remettre les pendules à l'heure. Les craintes géopolitiques sur la Corée du Nord et des valorisations tendues ont déclenché ce processus", dit Peter Kenny, responsable de la stratégie chez Global Markets Advisory Group à New York. "Je crois vraiment qu'on pourrait voir les marchés se replier de 1% à 5%."

Jusqu'à cette semaine, le S&P 500, en hausse d'un peu plus de 9% depuis le 1er janvier, évoluait à un niveau de valorisation sans précédent depuis 2004 sur la base du ratio cours/bénéfices attendus sur les 12 mois prochains.

Sa progression des derniers mois s'est déroulée dans un contexte marqué à la fois par une volatilité extrêmement faible, des résultats de sociétés solides et une amélioration régulière de la conjoncture économique mondiale, autant de facteurs qui ont permis de compenser la déception causée aux investisseurs par les débuts de la présidence de Donald Trump aux Etats-Unis.

Mais la donne semble en train de changer: sur l'ensemble des marchés américains, plus de 430 actions ont touché jeudi leur plus bas niveau depuis un an, un chiffre sans précédent depuis la mi-novembre, juste après l'élection du président américain. La moyenne des plus bas de 52 semaines depuis le début de l'année ressort autour de 230 par séance.

"L'argent facile a déjà été récolté", estime Joel Kulina, vice-président senior chez Wedbush Securities à New York. "J'investis sélectivement sur repli mais mon instinct me dit qu'on pourrait bien être parti pour une période agitée de quelques mois."

UN REPLI BIENVENU ?

De nombreux intervenants ne voient pas forcément d'un mauvais oeil la perspective d'un repli significatif du S&P 500.

"Un repli est bienvenu, il permet au marché de ne pas se retrouver sans direction. C'est une fluctuation normale: c'est le fait que l'on évoluait pratiquement sans volatilité qui était anormal", dit ainsi Jim Paulsen, directeur de la stratégie d'investissement chez The Leuthold Group.

Si la baisse se poursuit, ajoute-t-il, le marché offrira "une bonne opportunité d'achat. Je regarderais alors l'énergie, les matières premières, l'industrie, les technologiques et les financières. Je crois que d'ici la fin de l'année, le marché atteindra de nouveaux plus hauts et les rendements (des Treasuries) remonteront."

Le rendement des bons du Trésor à dix ans américains évoluait vendredi juste en dessous de 2,2%, au plus bas depuis fin juin, les emprunts d'Etat bénéficiant du mouvement général de repli sur les actifs les moins risqués.

L'indice de volatilité du CBOE, baromètre le plus suivi de la volatilité à court terme sur les marchés, a lui enregistré jeudi sa plus forte hausse depuis près de trois mois pour atteindre, à 16,04, son plus haut niveau depuis le 8 novembre, jour de l'élection de Donald Trump.

Le VIX "spot" a même dépassé les contrats à terme sur l'indice, une inversion de la courbe qui signifie que certains intervenants paient davantage pour se prémunir d'une forte baisse soudaine du S&P que pour se protéger contre son évolution future.

"On n'est pas encore en territoire survendu, donc le marché a encore un potentiel de baisse", estime Robert Pavlik, responsable de la stratégie de marché chez Boston Private Wealth. "On est encore proche des plus hauts historiques, donc cela rend les gens un peu nerveux, ils pourraient se dire que le moment est venu de retirer un peu d'argent de la table."

(avec Caroline Valetkevitch, Saqib Iqbal Ahmed, Sinead Carew, Kimberly Chin, Lewis Krauskopf et Noel Randewich; Marc Angrand pour le service français, édité par Benoît Van Overstraeten)

par Rodrigo Campos

Valeurs citées dans l'article : NASDAQ Comp., DJ Industrial, NASDAQ 100, S&P 500