* Le scandale le plus retentissant du quinquennat Hollande

* Un ministre déchu et un comparse pour un procès symbolique

par Emmanuel Jarry

PARIS, 11 février (Reuters) - L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac, condamné en 2016 pour fraude fiscale, va tenter à partir de lundi d'éviter la prison lors de son procès en appel à Paris.

"C'est un dossier symbolique. Faut-il ou non envoyer Jérôme Cahuzac en prison ? C'est la réponse à laquelle la Cour d'appel va devoir répondre", estime une source familière du dossier.

Le ministre déchu a été condamné en première instance à une peine de trois ans de prison ferme non aménageable pour avoir dissimulé un compte bancaire à l'étranger, le scandale le plus retentissant du quinquennat de François Hollande.

Le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Peimane Ghaleh-Marzban, avait alors estimé que seule une peine garantissant son incarcération pouvait sanctionner sa faute "d'une exceptionnelle gravité".

Le Parquet national financier (PNF) avait demandé une peine "sévère" envers un homme qui a "flétri l'honneur" de la France.

Jérôme Cahuzac a fait appel. "L'appel, il est sur la bonne sanction, nous ne demandons pas la relaxe", avait expliqué son avocat de l'époque, Me Jean Veil.

"Il va essayer d'obtenir que les trois ans soient ramenés à deux pour bénéficier d'un aménagement et éviter la prison", confirme à Reuters la source. "Il ne peut pas espérer autre chose. Les faits sont caractérisés et il ne donne pas l'impression de vouloir les contester."

L'ancien ministre a choisi cette fois pour le défendre le ténor du barreau le plus en vue du moment, Eric Dupond-Moretti, qui a défendu récemment Abdelkader Merah, frère du tueur de militaires et d'enfants juifs Mohamed Merah, et obtenu le renvoi du procès d'un autre ancien ministre, Georges Tron, poursuivi pour viol et agression sexuelle en réunion.

Pourfendeur de la fraude fiscale quand il était ministre, Jérôme Cahuzac, 65 ans, a été contraint à la démission en mars 2013 après des mois de dénégations jusque devant les députés.

"FUITE EN AVANT"

Pendant son procès, il avait expliqué s'être retrouvé pris dans une "mécanique" difficile à arrêter après l'ouverture en 1992 d'un compte en Suisse par l'intermédiaire d'un prête-nom.

Compte destiné, selon lui, à financer de façon occulte une possible campagne présidentielle de l'ancien Premier ministre socialiste Michel Rocard, décédé en 2016.

Il a dit avoir ensuite été pris dans une "fuite en avant" : l'ouverture d'un autre compte en Suisse, à son nom, toujours à la banque UBS, transféré à partir de 1998 à Singapour par peur d'être découvert, et des opérations de blanchiment liées, selon lui, à son incapacité à renoncer à un certain train de vie.

Le tribunal avait balayé l'explication politique de l'origine des fonds, estimant qu'elle n'était étayée par aucune preuve et qu'il s'était de toute façon "ultérieurement approprié les sommes en les transférant sur un compte ouvert à son nom".

Son ex-femme Patricia, qui a dissimulé une partie de ses revenus en Angleterre, sur l'Ile de Man et en Suisse, et participé avec son mari au dépôt de chèques non déclarés sur le compte de sa belle-mère, a été condamnée à deux ans de prison ferme, peine aménageable. Elle n'a d'ailleurs pas fait appel.

En 20 ans, le couple aurait dissimulé un patrimoine supérieur à 3,5 millions d'euros, ce qui constituait le solde, en 2013, de leurs comptes respectifs.

La banque suisse Reyl & Cie, accusée d'avoir "organisé" le transfert vers Singapour via des sociétés offshore au Panama et aux Seychelles, a été condamnée à 1,875 million d'euros d'amende.

Elle s'est désistée de son appel, de même que son directeur général, François Reyl, condamné à un an de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende pour blanchiment.

La seule autre personne à avoir fait appel et à être rejugée avec Jérôme Cahuzac est un ancien avocat, Philippe Houman, lui aussi condamné en 2016 à un an de prison avec sursis et 375.000 euros d'amende pour avoir participé au blanchiment.

Ce procès en appel est prévu pour durer jusqu'au 21 février. (Edité par Yves Clarisse)