Moscou (awp/afp) - L'époque des hausses de prix galopantes est-elle révolue en Russie? L'inflation y est tombée à son plus bas niveau depuis la chute de l'URSS il y a 25 ans, un résultat présenté comme un succès majeur par Vladimir Poutine à un peu plus d'un an de la fin de son mandat.

Selon la première estimation publiée vendredi par l'agence des statistiques Rosstat, la hausse des prix à la consommation s'est élevée à 5,4% sur l'année écoulée, bien moins qu'en 2015 (12,9%) et contre un record précédent de 6,1% en 2011.

Si un taux de plus de 5% constitue un record, c'est d'abord parce que l'inflation a été structurellement très élevée depuis la chute de l'URSS. Le pays communiste s'est alors transformé en marché émergent, d'où un phénomène de rattrapage économique entraînant les prix mais aussi de régulières crises financières synonymes de flambées inflationnistes.

Le ralentissement actuel constitue le contrecoup de la dernière de ces crises. Fin 2014, le rouble a violemment décroché sous le poids des sanctions occidentales dues à la crise ukrainienne et de l'effondrement des cours du pétrole. Ce facteur s'est ajouté à l'embargo sur les produits alimentaires européens imposé en réponse aux sanctions. L'inflation a atteint un pic début 2015 à près de 17% sur un an.

Cette valse des étiquettes a plombé le niveau de vie et la consommation des Russes. La faiblesse de la demande contraint aujourd'hui les commerçants à maintenir les prix le plus bas possible.

Par ailleurs, le rouble reprend des couleurs dans le sillage du marché pétrolier ce qui relâche la pression sur l'inflation.

Le ralentissement découle enfin de l'étau monétaire maintenu par la banque centrale pour éviter tout nouveau dérapage, avec un taux directeur à 10%.

- UNE INFLATION BASSE POUR LONGTEMPS ?

La banque centrale veut stabiliser l'inflation à 4%, niveau qui doit permettre selon elle d'encourager les investissements dont l'économie a besoin pour se relancer après deux ans de récession.

Le ralentissement récent "donne toutes les raisons de penser que nous pourrons (...) arriver rapidement autour de 5% et ensuite à 4%", a assuré le président Vladimir Poutine lors de sa conférence de presse annuelle fin décembre.

La fermeté du rouble et la faiblesse persistante de la consommation en dépit d'un rebond des salaires devraient à court terme peser sur la tendance.

Le patron de la banque VTB24 Mikhaïl Zadornov, interrogé récemment par le quotidien Vedomosti, a jugé possible une inflation à 4%-4,5% en 2017: "Ce fait n'est pas encore reconnu par les agents économiques, la Russie se trouve en période de désinflation".

Les économistes de la banque Alfa se sont dits "prudents" concernant 2017 vu les risques à l'horizon.

Après avoir serré les boulons en 2016, le gouvernement va indexer en 2017 les retraites sur les prix et verser dès le début de l'année une prime spéciale aux retraités. Plus généralement, des cours du pétrole plus élevés que prévu pourraient encourager le gouvernement à relâcher l'austérité budgétaire prévue et se montrer généreux à l'approche de la présidentielle de 2018.

- QUELLES CONSÉQUENCES ?

"Une faible inflation est très importante pour le pouvoir et Poutine présente son fort ralentissement comme un succès économique", relève Nikolaï Petrov, professeur à la Haute Ecole d'Economie de Moscou.

Tourner la page de plusieurs années de hausses des prix galopantes constitue un soulagement pour nombre de Russes qui y ont perdu du pouvoir d'achat. Avoir ramené l'inflation sous contrôle n'est donc pas négligeable pour le président russe, qui sauf surprise devrait se représenter pour un nouveau mandat.

Pour le gouvernement, à la peine pour réduire le déficit budgétaire, moins le taux d'inflation est élevé, moins il faudra indexer retraites et traitements des fonctionnaires.

Si le mouvement se révèle durable, la banque centrale pourra réduire peu à peu ses taux et redonner un peu d'oxygène à une économie qui peine à sortir de la récession.

Mais "une faible inflation n'est pas bonne ou mauvaise en soi", tempère Nikolaï Petrov: "Pour le peuple, c'est une bonne chose quand l'économie se développe, et une faible inflation peut favoriser une stagnation de l'économie, dans ce cas les revenus de la population ne vont pas progresser".

afp/rp