Buenos Aires (awp/afp) - A cinq mois d'élections générales particulièrement incertaines, l'Argentine tente de juguler un nouvel accès de fièvre économique ces dernières semaines, avec une série de mesures pour contrecarrer une inflation hors de contrôle, à plus de 108%, et défendre sa monnaie.

Lundi, la banque centrale a relevé son taux d'intérêt à 97% pour les dépôts à terme, une deuxième forte hausse en un mois, afin de viser "des rendements positifs sur les investissements en peso" et "d'éviter que la volatilité financière n'agisse comme un moteur des anticipations d'inflation", a-t-elle expliqué dans un communiqué.

D'autres annonces devraient suivre dans la semaine, à la suite d'une réunion ce week-end autour du ministre de l'Economie Sergio Massa, qui joue aussi une carte personnelle: il est considéré comme l'un des possibles présidentiables, depuis que le président Alberto Fernandez (centre-gauche) a annoncé en avril qu'il ne se représenterait pas.

Une aide au crédit pour les petites et moyennes entreprises, une intervention accrue sur le marché des changes, la facilitation de certaines importations sur des secteurs en tension (aliments, textiles) pour encourager la concurrence sur les prix, figurent parmi les mesures attendues, selon la presse locale.

Hormis le relèvement du taux, aucune autre mesure n'avait été officialisée lundi après-midi en Argentine.

"Les annonces restent générales pour le moment. Mais l'idée est une stabilisation/réactivation, c'est-à-dire combattre l'inflation, sans que l'activité économique ne ralentisse, une mission très difficile", analyse pour l'AFP Pablo Tigani, économiste à l'Université Argentine de l'Entreprise.

La batterie de mesures, aux allures de va-tout d'un gouvernement vivant ses derniers mois, se veut une réaction aux derniers soubresauts qui ont récemment agité la troisième économie d'Amérique latine. Et les élections à venir en octobre jouent un rôle de multiplicateur d'incertitude.

La sécheresse en sus

Mi-avril, la devise argentine, le peso, avait connu un effritement spectaculaire, perdant en une semaine 20% de sa valeur, tombant autour de 500 pesos pour un dollar au cours informel (près du double du taux officiel), avant de se rétablir autour de 470 pesos.

Le taux d'intérêt avait dans la foulée été augmenté de 10 points fin avril, à 91%, devenant déjà l'un des plus élevés au monde. Le dernier relèvement, lundi, n'est qu'une actualisation dans le sillage de l'inflation, et vise à éviter que trop de pesos en circulation n'alimentent une demande de dollar "informel", soulignent des économistes

Dans un pays où régit un contrôle des changes, les Argentins ont depuis longtemps intériorisé le fait de vivre dans une économie bimonétarisée "de facto": ils pensent et comptent en dollars, leur valeur-refuge dans les périodes d'incertitude.

La semaine dernière, l'inflation, qui avait déjà battu en 2022 un record sur trois décennies (à 94,8%), a poursuivi son accélération avec la publication de l'indice d'avril, à +8,4% sur un mois. Ce qui a porté l'inflation à 108,8% sur un an, et à 32% en cumulé depuis le 1er janvier.

Dans sa préparation du budget 2023, le gouvernement avait tablé sur 60% d'inflation pour l'année. Mais le dernier bulletin de la banque centrale, paru début mai, résumant les attentes d'analystes et consultants des marchés, évoquait une inflation à plus de 126%...

La banque centrale indique lundi dans son communiqué qu'elle va "continuer de surveiller l'évolution du niveau général des prix, la dynamique du marché financier et des changes, et des indicateurs monétaires, afin de calibrer sa politique de taux d'intérêt".

En parallèle à cette offensive sur le front de l'inflation et de la devise, le gouvernement continue de discuter avec le Fonds monétaire international (FMI) d'une révision des objectifs du plan de refinancement (scellé en 2022) de la dette argentine, legs d'un prêt de 44 milliards de dollars contracté en 2018.

Pour l'Argentine agro-exportatrice par excellence (soja, blé, maïs notamment), une sécheresse qualifiée de "pire depuis 1929" par le chef de l'Etat est venue assombrir encore un peu plus l'horizon, avec des perspectives de rentrée de devises amputées jusqu'à 20 milliards de dollars, selon certaines projections d'économistes. Ceci alors que la reconstitution de réserves de changes est précisément un des objectifs assignés par le FMI, avec une réduction du déficit public.

afp/rp