LONDRES, 10 novembre (Reuters) - Les marchés parient sur des baisses de taux d'intérêt mais les grandes banques centrales semblent rejeter pour le moment cette perspective, ce qui met en exergue le bras de fer à venir à la lumière des données économiques attendues dans les prochains jours.

La Chine continue de lutter contre ses démons dans l'immobilier, tandis que l'Italie est à son tour dans le collimateur des agences de notation.

Tour d'horizon des perspectives de marché pour les prochains jours :

1/ L'INFLATION SOUS SURVEILLANCE

Plusieurs responsables de la Réserve fédérale américaine (Fed), dont son président Jerome Powell, soutiennent ne pas encore être certains les taux soient suffisamment élevés pour en finir avec l'inflation.

Les traders, qui anticipent environ trois baisses de taux de la Fed d'un quart de point l'an prochain, vont maintenant porter leur attention sur les données d'inflation de mardi pour confirmer ou non ces perspectives.

L'indice des prix à la consommation (CPI) d'octobre devrait avoir augmenté de 0,1% sur une base mensuelle, selon le consensus Reuters. En septembre, le CPI était ressorti en hausse de 0,4% en raison d'une augmentation surprise des loyers mais les pressions inflationnistes sous-jacentes s'étaient modérées.

Une baisse plus marquée des prix pourrait alimenter le débat sur le pic des taux alors que le rapport sur l'emploi pour le mois d'octobre a montré un ralentissement plus important que prévu.

Une fermeture des administrations fédérales américaines ("shutdown") est par ailleurs redoutée si les parlementaires à Washington ne parviennent pas à adopter une mesure pour financer au moins temporairement les opérations avant la date limite du 17 novembre.

De nouvelles oppositions partisanes pourraient en outre raviver les inquiétudes concernant la gouvernance de la plus grande économie du monde.

2/ LA CHINE FACE À SES PROBLÈMES

Le débat sur qui viendra à la rescousse de Country Garden est en passe d'être tranché puisque Pékin a demandé à Ping An de prendre une participation majoritaire dans le plus grand promoteur immobilier privé du pays, selon quatre sources au fait du projet.

En Bourse, l'action Ping An a chuté à son plus bas niveau depuis un an, malgré les démentis de la société concernant cette reprise, les inquiétudes concernant le secteur continuant de peser sur le moral des investisseurs.

Les mesures prises par le gouvernement pour soutenir l'économie ont tourné court à plusieurs reprises depuis le début de l'année, ce qui n'empêche pas la banque centrale chinoise d'affirmer que l'objectif de croissance de 5% peut être atteint, une prévision partagée par le Fonds monétaire international (FMI).

Les dernières données économiques sur la Chine ne confirment cependant pas cette ambition, les prix à la consommation ayant de nouveau baissé en octobre, tandis que l'activité manufacturière s'est contractée le mois dernier. Les marchés verront mercredi si cette tendance se poursuit, avec la publication des chiffres des ventes au détail et ceux de la production industrielle pour le mois d'octobre.

3/ LA FRAGILITÉ DU DOLLAR

Le dollar, actif refuge, semble étonnamment vulnérable face aux paris des marchés sur une baisse prochaine des taux de la Fed puisque le récent rebond lié aux dernières déclarations de Jerome Powell pourrait ne pas durer. Les cambistes sont de fait de plus en plus en convaincus d'une baisse du coût du crédit l'an prochain aux Etats-Unis au regard des résultats d'une enquête Reuters, qui prévoit une première baisse des taux au deuxième trimestre. Près de deux tiers des analystes estiment par ailleurs que le dollar devrait baisser d'ici la fin de l'année.

Les positions longues sur le dollar diminuent. SocGen estime que le ratio dollar/yen pourrait retomber aux alentours de 145-150 après avoir atteint 151,74 récemment.

Les discussions sur les baisses de taux sont négatives pour le dollar, mais un ralentissement brutal de l'économie américaine, qui nuit au reste du monde, pourrait rapidement alimenter de nouveau la demande pour le billet vert.

4/ LES PROMESSES DE SUNAK

L'inflation au Royaume-Uni, bien qu'en baisse constante, reste l'une des plus élevées des économies développées. C'est une mauvaise nouvelle pour les consommateurs, la Banque d'Angleterre (BoE) et le Premier ministre britannique Rishi Sunak, qui s'est engagé au début de l'année à réduire de moitié l'inflation d'ici fin 2023. L'inflation était à cette époque à plus de 10%. Depuis, elle a reflué à 6,7% sur un an en septembre, tandis que les données pour le mois d'octobre seront publiés mercredi.

Ces données pourraient conforter ou remettre en question les récents propos du chef économiste de la BoE, Huw Pill, qui a déclaré que mi-2024 pourrait être le bon moment pour commencer à réduire les taux. Les chiffres de l'emploi, les ventes au détail et l'indice des prix à la production sont également prévus dans la semaine qui commence.

Les données du PIB du troisième trimestre dans la zone euro, qui seront publiées mardi, seront par ailleurs au centre de l'attention au regard des signes de faiblesse de l'économie allemande, la plus importante du bloc, et présentée par certains économistes comme "l'homme malade de l'Europe".

5/ LE RISQUE ITALIEN

L'Italie est de nouveau au premier plan des inquiétudes en Europe, de nombreux investisseurs étant préoccupés par les risques en matière budgétaire et ne souhaitant pas s'exposer fortement à la troisième économie de la zone euro.

Moody's, qui note l'Italie juste un cran au-dessus de la catégorie spéculative ("junk") avec une perspective négative, réexaminera la dette souveraine du pays le 17 novembre. La prochaine évaluation de Fitch est attendue après la clôture des marchés ce vendredi.

Un abaissement de la note de l'Italie par Moody's est le risque le plus important étant donné les perspectives de l'Italie et un tel mouvement pourrait voir l'écart de rendement des obligations à dix ans du pays par rapport à l'Allemagne, particulièrement surveillé, augmenter de 250 points de base, avec des ramifications potentielles dans tous les pays périphériques à la péninsule italienne.

Sur les marchés d'actions, les titres italiens se négocient avec une décote de 50% par rapport aux autres actions de l'indice MSCI AC World, soit l'écart le plus important depuis 1988.

Il y a tout de même une lueur d'espoir. Des bilans plus solides signifient que les banques sont moins vulnérables aux turbulences dans l'obligataire que par le passé et, avec la forte décote de certaines actions, des investisseurs voient des opportunités d'achat à bon compte.

(Lewis Krauskopf à New York, Kevin Buckland à Tokyo, Danilo Masoni à Milan et Alun John et Dhara Ranasinghe à Londres; compilé par Dhara Ranasinghe; infographies par Sumanta Sen, Pasit Kongkunakornkul, Riddhima Talwani, Prinz Magtulis et Kripa Jayaram; version française Claude Chendjou, édité par Kate Entringer)