Paris (awp/afp) - La banque suisse UBS a mis en place un "système" visant à "faciliter" la fraude fiscale de riches contribuables français entre 2004 et 2012, selon la cour d'appel de Paris qui l'a condamnée le 13 décembre à payer un total de 1,8 milliard d'euros.

Si la culpabilité de l'établissement financier a été confirmée, la sanction est très différente de celle prononcée en première instance le 20 février 2019 - 4,5 milliards au total - en particulier sur le montant de l'amende.

Une semaine plus tard, la banque a annoncé lundi avoir formé un pourvoi en cassation. Lors du prononcé de la décision le 13 décembre, les 182 pages de la décision n'étaient pas disponible immédiatement. En voici à présent les principaux points.

"Double processus illégal"

UBS a "mis au point et en oeuvre un double processus illégal: démarcher des résidents fiscaux français soucieux d'éluder l'impôt alors que ceci lui était interdit, puis blanchir les fonds reçus", résume la cour, qui souligne la "particulière gravité" des faits.

La banque suisse n'avait pas le droit de prospecter en France: elle ne disposait pas du "passeport européen" ni de la licence bancaire française, rappelle la décision.

Pourtant, selon la cour, des commerciaux suisses se sont "bien déplacés" en France, avec des consignes de "confidentialité" et "d'opacité", pour démarcher des personnes fortunées repérées notamment lors de tournois de golf, parties de chasse ou réceptions.

Quant à la filiale UBS France, sur laquelle la maison-mère avait une "quasi totale mainmise financière et gestionnaire", la juridiction estime qu'elle était un "simple cheval de Troie" pour pénétrer le marché français, ses commerciaux prospectant aussi pour proposer des comptes en Suisse.

Pour la cour, la banque a, à l'époque, fondé "une part de sa réussite mondiale" sur "la conquête d'une clientèle qui ne respectait pas ses obligations fiscales, à laquelle elle assurait des services bancaires propices à l'opacité et à la dissimulation" - comme les comptes anonymes numérotés ou l'interposition de sociétés offshore.

Un "stratagème (qui) n'est pas admissible", mis en place par une banque "qui ne semble jamais avoir reconsidéré le bien-fondé de ses pratiques", tance la cour.

Amende très fortement réduite

La cour adopte cependant un raisonnement différent de celui du tribunal pour déterminer la peine.

Selon la loi, pour une personne morale, le montant maximum de l'amende encourue pour blanchiment aggravé de fraude fiscale est 3,75 millions d'euros ou la moitié des sommes blanchies.

En se basant sur cette seconde option, le tribunal avait prononcé une amende de 3,7 milliards d'euros.

Si la cour d'appel avance bien une estimation totale des fonds dissimulées à 8,5 milliards d'euros, elle estime que, compte tenu de récentes décisions de la Cour de cassation, elle ne peut pas appliquer ce mode de calcul car le "montant exact" reste "indéterminé".

Elle prononce donc une amende de 3,75 millions d'euros, mais elle y ajoute une confiscation d'un milliard sur la caution d'1,1 milliard versée par la banque pendant les investigations. Un "nécessaire complément (pour) sanctionner UBS AG à hauteur de l'atteinte portée aux intérêts du trésor public français et les gains réalisés".

La cour octroie le même montant de dommages et intérêts à l'Etat français que celui accordé par le tribunal: 800 millions d'euros.

De son côté, la filiale française avait été condamnée en première instance à 15 millions d'euros d'amende pour complicité de blanchiment de fraude fiscale et de démarchage illégal. En appel, elle est relaxée de la première infraction mais condamnée pour la seconde: l'amende est réduite à 1,875 million.

Quatre ex-cadres condamnés

Six anciens cadres étaient aussi poursuivis: quatre sont condamnés.

Dieter Kiefer, responsable Europe de l'Ouest chez UBS AG, est en partie relaxé mais condamné à un an d'emprisonnement avec sursis (18 mois en première instance) et 300'000 euros d'amende.

Patrick de Fayet, ex-numéro 2 d'UBS France, se voit infliger un an avec sursis et 200'000 euros d'amende - comme en première instance - notamment pour avoir mis en oeuvre les "carnets du lait", des tableaux manuscrits visant à masquer les flux transfrontaliers, précise la cour.

Philippe Wick, directeur du département "France International" d'UBS AG, est condamné à six mois avec sursis (un an en première instance) et 200'000 euros d'amende, comme Olivier Baudry, qui lui a succédé.

Deux anciens salariés sont relaxés: Hervé d'Halluin, ex-chef du bureau d'UBS à Lille, car il n'est pas établi qu'il a "contribué personnellement et directement" au démarchage illégal, et Raoul Weil, ancien numéro 3 d'UBS AG, contre qui il n'y a pas de "preuve de son implication directe".

afp/ck