* Expertise probable de l'enregistrement

* Cahuzac se félicite de la décision du parquet

* Réactions politiques prudentes (Actualisé avec entourage de François Hollande, §6-7)

par Thierry Lévêque

PARIS, 8 janvier (Reuters) - Une enquête préliminaire de police visant à déterminer si le ministre du Budget Jérôme Cahuzac a ou non détenu un compte en Suisse afin de dissimuler des revenus au fisc a été ouverte par le parquet de Paris, a annoncé mardi le bureau du procureur.

Cette procédure est la conséquence des articles publiés depuis décembre dernier par le site d'information Mediapart lui imputant la détention de ce compte jusqu'en 2010, sur la foi d'un témoignage et d'un enregistrement sonore de ce qui est présenté comme la voix de Jérôme Cahuzac.

Selon ces accusations, le compte suisse ouvert à la banque UBS aurait été clôturé en 2010 et ses actifs auraient été transférés à Singapour.

Jérôme Cahuzac s'est félicité de la décision du parquet.

"Cette démarche permettra, comme il l'a toujours affirmé, de démontrer sa complète innocence des accusations absurdes dont il fait l'objet", peut-on lire dans un communiqué.

Le ministre délégué au Budget "a le soutien du président et du Premier ministre", a fait savoir l'entourage de François Hollande.

"Cette procédure permet à la justice de faire son travail, il n'y a pas d'éléments nouveaux qui amèneraient à changer la situation, il est membre du gouvernement par définition", a-t-on déclaré à Reuters.

Ancien chirurgien et ex-président de la commission des Finances de l'Assemblée, à l'époque des faits dans l'opposition, le ministre a toujours démenti toutes les allégations et nie être l'homme qui parle sur l'enregistrement. (ID:nL5E9C60UC])

Dans un communiqué, le procureur de la République souligne que l'instruction de la plainte déposée par Jérôme Cahuzac pour diffamation contre le site d'information Mediapart, qui a publié l'enregistrement, prendra plusieurs mois.

L'enquête ne pourra en outre porter sur le fond et ce n'est que lors du procès, dans un délai de plusieurs mois, que les preuves que dit détenir Mediapart pourront faire l'objet d'un débat contradictoire, remarque le magistrat.

EXPERTISE PROBABLE DE L'ENREGISTREMENT

"Compte tenu de cette situation, des faits dénoncés par Mediapart susceptibles de recevoir une qualification pénale et des démentis de Monsieur Jérôme Cahuzac, il appartient au procureur de la République de Paris, conformément à la loi, de faire procéder sans attendre aux vérifications relatives à la réalité et au contenu de l'enregistrement ainsi qu'à toutes auditions nécessaires pour parvenir à la manifestation de la vérité", lit-on dans ce texte.

L'enquête est confiée à la Division nationale des investigations financières.

Une enquête préliminaire ne constitue pas une poursuite mais vise à déterminer si les éléments portés à la connaissance de la justice sont suffisants pour déclencher une information judiciaire ou provoquer un procès directement.

La police devrait auditionner tous les protagonistes et il est probable, comme le procureur le laisse entendre dans son communiqué, qu'une expertise technique sera menée sur l'enregistrement afin de déterminer s'il s'agit ou non de la voix du ministre.

Plusieurs laboratoires spécialisés peuvent être requis par la justice pour ce type d'expertise. L'auteur de l'enregistrement, qui s'est fait connaître à l'Elysée, est Michel Gonelle, ancien maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot, poste que lui a ravi Jérôme Cahuzac lors des élections municipales de mars 2001.

DEMANDE D'ENTRAIDE DE LA SUISSE

Cette conversation aurait été enregistrée par accident sur sa boîte vocale et il l'aurait gardée pendant de nombreuses années sans savoir qu'en faire. L'homme qui parle sur l'enregistrement se dit encombré par son compte suisse et envisage sa fermeture.

Jérôme Cahuzac a déclaré avoir chargé son avocat de demander à la banque suisse de dire si oui on non il a détenu un compte. Ce type de démarche n'est cependant pas coercitif.

Le parquet de Paris pourra envoyer une demande d'entraide à la justice suisse pour qu'elle vérifie avec des moyens coercitifs, tels que des réquisitions auprès d'UBS, l'existence éventuelle du compte.

Porte-flambeau au sein du gouvernement de la politique fiscale voulue par le gouvernement Hollande, Jérôme Cahuzac a défendu les mesures de taxation des grandes fortunes et la fermeté contre l'évasion fiscale.

Ce dossier judiciaire pourrait le mettre en difficulté, dans la mesure où il est lui-même susceptible d'être interrogé ou visé par des perquisitions ou diverses investigations, un ministre ne jouissant d'aucune immunité.

Mais l'enquête préliminaire pourrait aussi permettre d'évacuer rapidement les soupçons qui pèsent sur lui si l'enregistrement se révèle être un faux et si UBS répond au parquet qu'aucun compte à son nom n'existe.

Les ténors de l'opposition se sont d'ailleurs montrés prudents dans leurs réactions.

Christian Jacob, président du groupe UMP à l'Assemblée, a refusé de suivre l'ancienne ministre UMP Nadine Morano, qui réclame la démission de Jérôme Cahuzac.

"L'affaire de justice est en cours, attendons d'avoir des éléments nouveaux", a-t-il dit sur BFM TV. "Pour moi, il n'est pas question d'aller plus loin à ce stade."

La présidente du Front national, Marine Le Pen, a estimé que se posait toutefois un "problème institutionnel".

"Il ne peut pas rester ministre du Budget", a-t-elle dit sur i>Télé en parlant de possible conflit d'intérêts. "Il peut avoir d'autres responsabilités politiques, pas celle-là." (Avec Sophie Louet et Julien Ponthus)