(Actualisé avec réactions de délégués)

par Stephen Brown et Noah Barkin

LEIPZIG, Allemagne, 14 novembre (Reuters) - Le problème de la dette dans la zone euro représente la pire crise depuis la Seconde Guerre mondiale en Europe, dont les pays doivent s'orienter pas à pas vers une plus grande intégration politique, a estimé lundi la chancelière allemande, Angela Merkel.

A l'occasion d'un discours d'une heure devant les milliers de délégués chrétiens-démocrates réunis en congrès à Leipzig, la chancelière n'a pas présenté de nouvelles idées pour régler la crise, mais elle a souligné que l'Allemagne devrait faire davantage de sacrifices.

"Le défi, pour notre génération, c'est de terminer ce que nous avons entrepris en Europe, à savoir de réaliser, pas à pas, une union politique", a-t-elle dit en estimant que "l'Europe traverse l'une de ses pires crises, peut-être la pire, depuis la Seconde Guerre mondiale".

Les deux jours de congrès de la CDU (Union chrétienne-démocrate) devaient porter essentiellement sur les questions d'éducation, mais d'entrée, les débats ont été dominés par la crise de la dette souveraine dans la zone euro, qui ne s'apaise en rien malgré la nomination de gouvernements techniques en Italie et en Grèce.

Angela Merkel, au pouvoir depuis 2005, a théoriquement le champ libre jusqu'aux élections législatives de 2013, mais elle sait bien qu'elle pourrait devenir la prochaine victime de la tourmente de l'euro si elle ne joue pas cartes sur table.

"Les problèmes de l'Irlande sont ceux de la Slovaquie. Les problèmes grecs sont les problèmes des Néerlandais, et les problèmes espagnols sont nos problèmes", a martelé la chancelière. "Notre responsabilité ne s'arrête pas à nos frontières."

Elle a estimé dans le même temps qu'il existait des limites que l'Allemagne n'était pas disposée à franchir, comme par exemple la création d'obligations européennes et autres remèdes à court terme qui, selon Berlin, décourageraient les pays de la zone euro d'adopter des politiques budgétaires responsables.

"Ce qu'il y a de difficile, c'est que cette crise n'est pas apparue d'un jour à l'autre. Elle est le fruit de plusieurs décennies d'erreurs, et nous ne pouvons pas la régler d'un coup de baguette magique. Un long chemin, difficile, nous attend", a estimé Angela Merkel.

"Si l'euro échoue, Merkel échouera. C'est évident", a dit pour sa part un délégué CDU de Basse-Saxe, Jürgen Dierks, qui a jugé solide le discours de la chancelière devant les congressistes.

Concernant la demande d'une plus grande intégration européenne explicitée par la chancelière, il a répondu sans ambiguïté: "Nous savons tous qu'il n'y a pas d'autre choix."

Un autre délégué, Dietrich Birk, élu CDU au Landtag de Bade-Wurtemberg, s'est dit globalement satisfait du discours de Merkel, même s'il a trouvé qu'il manquait passablement de passion.

"Une grande incertitude règne dans les rangs du parti. Les gens sont nerveux. Ils craignent les retombées de la crise sur l'économie réelle, que nous n'avons pas encore véritablement senties en Allemagne", a-t-il estimé.

C'est à un numéro d'équilibriste qu'Angela Merkel va devoir se livrer jusqu'à mardi à Leipzig, où le congrès est placé sous le signe des deux grands points du document préparatoire: "Une Europe forte: un bel avenir pour l'Allemagne".

UNE CDU TRANSFORMEE

Le premier point souligne que l'Allemagne a fortement bénéficié de l'euro et doit se préparer à faire plus d'efforts pour le sauver, notamment en cédant un peu de souveraineté à Bruxelles. Le second appelle à ce que les Etats membres contrevenant aux règles budgétaires européennes puissent être sanctionnés plus sévèrement, voire expulsés de la zone euro.

La chancelière n'aura pas la tâche facile lors de ce congrès pour convaincre les membres de la CDU, réunis sous la bannière "Pour l'Europe - Pour l'Allemagne", de la nécessité de renforcer l'intégration européenne.

Les choix politiques d'Angela Merkel vis-à-vis de l'euro ne sont pas les seuls sujets à alimenter la contestation au sein de la CDU. Après la catastrophe de Fukushima en mars, elle avait abruptement renoncé au maintien de la filière nucléaire allemande, ce qui avait vivement mécontenté une partie de la CDU.

En octobre, elle a surpris par une nouvelle volte-face, en soutenant la mise en place d'un salaire minimum national, ce à quoi elle s'opposait depuis des années.

En outre, de nombreux militants CDU sont mécontents des plans de sauvetage des pays en difficulté sur les deniers publics européens, et franchement en colère face à la gestion budgétaire de ces pays. Certains vont jusqu'à penser que la création de l'euro fut une erreur et qu'il convient à présent de revenir en arrière.

Les deux revirements qu'a opérés Merkel cette année sont le fruit d'une stratégie délibérée destinée à se concilier les faveurs de futurs partenaires et d'augmenter les possibilités de coalition en 2013: avec l'effondrement électoral de son allié le FDP, la CDU ne pourra peut-être continuer à gouverner qu'en faisant équipe avec le SPD ou avec les Verts.

Depuis qu'elle a accédé à la chancellerie en 2005, Angela Merkel a présidé à une transformation telle de la CDU qu'on peine à reconnaître le parti conservateur, tourné vers l'économie libérale, qui avait tenu congrès dans la même ville de Leipzig en 2003.

A cette époque, Angela Merkel était souvent comparée à l'ex-Premier ministre britannique Margaret Thatcher, rapprochement qui ne vient plus à l'idée de personne depuis que la chancelière a embrassé certaines thèses sociales et écologistes.

Toutefois, si la zone euro venait à s'effondrer avant les prochaines législatives allemandes, même les plus habiles manoeuvres politiques ne suffiraient sans doute pas à sauver la chancelière. (Gregory Schwartz et Eric Faye pour le service français; édité par Jean-Stéphane Brosse)