par Julien Ponthus et Matthieu Protard

Les incertitudes qui pèsent sur le secteur viennent aussi de la perspective de l'entrée en vigueur de nouvelles règles que les régulateurs veulent imposer au secteur financier, qu'il s'agisse des normes de solvabilité des banques et des assurances ou des nouveaux régimes fiscaux sur les plus-values et les bonus des fonds d'investissement.

Les participants au Forum du capital-investissement qu'organise Reuters du 8 au 10 septembre à Paris feront le point sur les nouveaux standards et les attentes de la profession après les excès des années 2004 à 2007 et l'éclatement de la bulle du crédit.

Selon les données compilées par Thomson Reuters sur la période du 1er janvier au 7 septembre, l'activité de "private equity" en France, mesurée en valeur, est encore plus de six fois inférieure à ce qu'elle était en 2006, un rapport proche de celui constaté au niveau mondial.

Le début de reprise est néanmoins tangible puisque l'activité est supérieure d'environ 60% à ce qu'elle était en 2009.

"Il est encore un peu tôt pour donner une vraie tendance pour la fin de l'année, même s'il y a encore un 'stock' de deals qui peuvent se faire", explique Vincent Ponsonnaille, un avocat spécialisé dans le capital-investissement au cabinet Linklaters.

"C'est surtout sur les petites et les moyennes capitalisations qu'il y a de l'activité", constate de son côté Rémy Ossmann, vice-président de la société de conseil LEK en France.

La vente de Picard Surgelés, la plus grande opération en France depuis la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers, a cependant montré que la barre du milliard d'euros n'était plus infranchissable.

CERCLE VERTUEUX

Mais les incertitudes qui pèsent sur l'environnement économique et les marchés financiers restent un frein, notamment au niveau des introductions en Bourse (IPO).

"Si le marché de l'IPO se rouvre pour des tailles et des valorisations assez conséquentes, c'est un peu un cercle vertueux pour toute une série de sociétés qui sont encore dans les portefeuilles", note Vincent Catherine, directeur exécutif au sein de l'activité de banque d'investissement de Goldman Sachs à Paris.

Pour les observateurs, l'introduction en Bourse prévue de la chaîne de casinos Lucien Barrière aura valeur de test.

Mais à l'inverse, le retrait de la vente de la chaîne de restauration rapide Quick ou de celle des maisons de retraites Medi-Partenaires montrent aussi que les investisseurs restent prudents.

"Il y a une liste assez longue d'opérations qui n'ont pas trouvé preneur, soit pour des raisons de taille ou de profil, soit pour des raisons de financement ou d'attente de prix", relève Céline Méchain, directrice en charge de la relation avec les fonds d'investissement chez Goldman Sachs.

La poursuite du financement des opérations reste d'ailleurs incertaine car si les banques ont accepté de financer de nombreux dossiers à la fin du premier semestre, elles doivent désormais les syndiquer, c'est-à-dire trouver des investisseurs intéressés par cette dette.

Ce processus a d'ailleurs d'être lancé lundi par les banques en charge du LBO monté pour le rachat de Picard Surgelés par Lion Capital.

"On ne peut pas considérer l'accès à la dette comme un acquis pour le moment", avait déclaré à Reuters fin août Monique Cohen, directeur associé du groupe de capital-investissement Apax.

NOUVELLE VAGUE

Les banques demandent aussi à structurer différemment les transactions de façon à pouvoir reprendre plus rapidement le contrôle des entreprises achetées par les fonds en cas de restructuration.

Car la crise a montré que la procédure de sauvegarde française était plutôt favorable aux actionnaires et que les créanciers essaient de pouvoir transformer plus rapidement leur dette en capital.

L'actualité du capital-investissement depuis le déclenchement de la crise a ainsi été marquée par des restructurations bancaires qui ont coûté très cher à des fonds et précipité le départ de certains dirigeants.

En France, les restructurations des entreprises Monier ou SGD se sont caractérisées par exemple par des pertes sèches pour les fonds PAI, Sagard et Cognetas.

"On a passé une première vague de restructurations. Dès 2011, il pourrait y en avoir une deuxième pour les sociétés dont l'activité économique sous-jacente ne sera pas au rendez-vous et qui n'ont fait que reporter leur problématique de levier financier excessif", explique Vincent Catherine.

"2012 sera la première année où on sera confronté à un mur de refinancement", prévient de son côté Céline Méchain.

"Il faudra voir comment certains fonds se relèvent de leurs précédents échecs, notamment dans le cadre des levées de fonds en cours et à venir mais pour le moment il n'y a plus autant de dossiers de retournement qu'en 2009", note Olivier Tordjman, un avocat du cabinet Ayache Salama.

"Et si des sujets de restructurations demeurent, il y a moins de risques de 'morts'", conclut-il.

Edité par Marc Angrand