Tokyo (awp/afp) - Le Japon a retrouvé le chemin de la croissance au printemps après avoir subi en début d'année son premier revers en deux ans, mais les économistes restent circonspects, d'autant que planent les menaces de taxes américaines sur l'automobile.

Sur la période d'avril à juin, le PIB a progressé de 0,5% par rapport au trimestre précédent, tiré par la consommation des ménages (+0,7%) et de solides investissements des entreprises (+1,3%), selon des données préliminaires publiées vendredi par le gouvernement nippon.

L'activité s'était contractée entre janvier et mars (-0,2%), signant la fin de la plus longue phase d'expansion de l'archipel depuis la fin des années 1980, au temps de la bulle immobilière et financière.

Le rebond observé au deuxième trimestre est plus important que ne l'avaient anticipé les analystes. Pour autant, ils ne cèdent pas à l'euphorie quant aux perspectives de la troisième économie du monde qui n'a pas retrouvé la vigueur espérée par le Premier ministre Shinzo Abe, initiateur de la stratégie "abenomics" fin 2012.

"Au premier coup d'oeil", les chiffres sont "encourageants", a commenté Yuki Masujima, de Bloomberg Economics. "Mais un examen plus approfondi montre des distorsions" techniques qui ont vraisemblablement contribué à surestimer la vigueur de la consommation.

"Positions différentes"

"Les peurs qu'ont les Japonais vis-à-vis de l'avenir pèsent sur les dépenses, c'est pour cela que je n'ai pas une vision optimiste de l'économie", confirme Junko Nishioka, de la Sumitomo Mitsui Banking Corporation, interrogée par l'AFP.

Selon elle, "la croissance va se poursuivre au cours des prochains trimestres mais l'élan va ralentir".

Et le tableau pourrait même être plus sombre si le Japon "devenait une cible directe des mesures protectionnistes de l'administration Trump", avertit M. Masujima.

"Nous pourrions avoir bientôt de premières indications, alors que le Japon et les Etats-Unis tiennent des discussions commerciales à Washington", ajoute-t-il.

Des négociations ont débuté jeudi entre le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, et le ministre japonais de l'Economie, Toshimitsu Motegi, mais leurs vues sont diamétralement opposées.

"Il est clair que nous avons des positions différentes", a reconnu le ministre des Finances Taro Aso vendredi à Tokyo, selon des propos rapportés par l'agence Bloomberg, le Japon privilégiant un cadre multilatéral comme le pacte de libre-échange transpacifique (TPP) tandis que les Etats-Unis veulent conclure un accord bilatéral.

Le Japon fait valoir les importants investissements de ses constructeurs d'automobiles sur le sol américain pour tenter de dissuader l'administration Trump de lui imposer des taxes de 25% sur les voitures importées.

Tokyo pourrait aussi augmenter ses achats d'hydrocarbures (gaz naturel liquéfié) et de matériel militaire américains pour rééquilibrer les échanges. En revanche, les Japonais ne sont pas prêts à accéder aux demandes de réduction des tarifs douaniers sur les marchandises agricoles en provenance des Etats-Unis.

Inondations et canicule

"La réalité est que le Japon n'a pas grand chose d'autre à proposer, et si Donald Trump va réellement de l'avant et instaure des taxes automobiles, l'industrie japonaise sera lourdement touchée", estime Mme Nishioka.

Cependant, note-t-elle, "la situation est très différente de celle des années 1980" quand Washington, sous l'ère de Ronald Reagan, avait multiplié les droits de douanes sur les motos, les télévisions et les ordinateurs nippons et décrété des quotas d'importations sur les voitures et l'acier. Depuis, de nombreuses entreprises nippones se sont en effet installées aux Etats-Unis.

Pour l'heure en tout cas, le Japon ne ressent pas les effets de la guerre commerciale qui se trame entre les Etats-Unis et ses partenaires, en particulier la Chine, juge l'économiste.

Mais "les tensions risquent d'affecter la croissance" à terme, a prévenu le ministre Taro Aso.

A plus brève échéance, les perturbations météo subies par l'archipel nippon cet été risquent de peser sur l'économie, avancent les analystes.

Il y a d'abord des pluies torrentielles, inondations et glissements de terrain qui ont tué plus de 220 personnes dans l'ouest du Japon début juillet, puis une vague de chaleur meurtrière.

"D'habitude un été chaud est un facteur positif, mais cette année il a fait vraiment trop chaud et cela pourrait affecter les activités économiques négativement", souligne Yusuke Shimoda, du Japan Research Institute.

afp/lk