Alors qu'une grande partie de l'Europe est confrontee a des choix difficiles concernant les coupes budgetaires a operer pour reduire une dette galopante, la Suede, econome, est confrontee a un dilemme plus enviable : comment utiliser la solidite de ses finances publiques pour faire face aux defis de plus en plus importants qui l'attendent.

Des decennies de prudence ont laisse a la Suede des finances publiques qui font l'envie du continent, suscitant un debat sur la possibilite d'assouplir les regles budgetaires strictes qui ont permis de sauver la Suede apres une crise financiere nationale au debut des annees 1990.

A l'epoque, le gouvernement avait reduit les depenses d'environ 8 % du PIB et augmente les impots apres l'eclatement d'une bulle immobiliere. Le cout a ete lourd : 200 000 suppressions d'emplois dans le secteur public alors que l'Etat-providence etait reduit et que l'economie se contractait trois annees de suite.

Depuis, les souvenirs de cette periode douloureuse freinent les budgets des ministres des finances, a tel point que la question qui se pose aujourd'hui est de savoir si le pays nordique doit commencer a se desserrer la ceinture.

Avec une dette qui avoisine aujourd'hui les 30 % du PIB - la moyenne en Europe se situant autour de 90 % - les appels se multiplient en faveur d'une remise en question afin de soutenir une revolution industrielle "verte" qui pourrait etre freinee par un manque d'electricite propre, de logements, de routes et de chemins de fer en mauvais etat.

"Si nous ne le faisons pas maintenant, nous ne manquerons pas d'etre a la pointe du developpement industriel vert", a declare Fredrik Lundh Sammeli, depute social-democrate de l'opposition.

"Ce sera une menace pour [...] la Suede en tant que nation industrielle. Suede en tant que nation industrielle.

Une commission gouvernementale, dont le rapport est attendu cet automne, etudie la possibilite d'assouplir l'objectif actuel d'excedent budgetaire, fixe a 0,33 % du PIB, afin de degager des liquidites supplementaires.

Meme le Fonds monetaire international, adepte de la probite budgetaire, a declare dans son rapport de mars sur la Suede qu'un "leger ecart" par rapport a l'objectif d'excedent permettrait de repondre aux besoins en matiere d'investissements publics et de depenses sociales.

Il ne fait aucun doute qu'une augmentation des investissements serait la bienvenue.

Selon un rapport publie en mai par le cabinet de consultants McKinsey, une partie des 200 milliards de couronnes suedoises (19 milliards de dollars) de nouveaux investissements prives prevus dans l'extreme nord de la Suede - suffisants pour augmenter le PIB de 2 a 3 % - est menacee si le gouvernement ne debloque pas 60 a 80 milliards de couronnes pour l'infrastructure.

Le projet d'usine sans energie fossile de l'entreprise siderurgique SSAB a Lulea, dans le Norbotten, reduira de 7 % les emissions totales de CO2 du pays.

Pour l'exploitant de minerai de fer LKAB, le choix est entre la planification d'une production sans energie fossile et la "planification d'une fermeture", a declare Niklas Johansson, responsable de la communication.

BEAUCOUP DE CHOSES A FAIRE

D'autres priorites s'accumulent.

Le FMI a declare qu'il fallait plus d'argent pour l'education, la formation, l'integration et pour resoudre les problemes de logement de la Suede. Le budget de la defense devra augmenter apres l'adhesion a l'OTAN. Des mesures antigang plus strictes signifient que la Suede a besoin de milliers de nouvelles places de prison.

La vice-premiere ministre Ebba Busch a propose un deficit d'environ 0,5 % jusqu'a ce que la dette atteigne environ 45 % du PIB, ce qui permettrait d'augmenter le budget de 50 milliards de couronnes par an.

Selon un recent rapport commande par le gouvernement, la dette pourrait atteindre 50 % du PIB.

"Cela nous donnerait encore une grande marge de securite si nous devions nous retrouver dans une crise profonde", a declare Lars Calmfors, professeur d'economie a l'universite de Stockholm et l'un des auteurs du rapport.

SI CE N'EST PAS CASSE

D'autres, y compris au sein de la coalition gouvernementale suedoise, sont sceptiques, a la fois sur la question des deficits et sur celle de savoir si des depenses supplementaires produiraient les resultats escomptes.

La ministre des finances, Elisabeth Svantesson, du parti modere pro-entreprises, a declare que des reductions de l'impot sur le revenu et une reforme des prestations sociales seraient un meilleur moyen d'augmenter les recettes fiscales et la croissance a long terme qu'un assouplissement des regles fiscales.

"Certains disent que nous devrions avoir un deficit a long terme. Cela reviendrait a laisser nos dettes a la generation suivante", a-t-elle declare.

Le Bureau de la dette a egalement mis en garde contre le risque de voir les depenses devenir permanentes, ce qui reduirait les reserves permettant de faire face a une future crise.

La pandemie et la recente poussee d'inflation mondiale - qui a depasse les 10 % en Suede - montrent egalement qu'il est bon de pouvoir compter sur d'importants amortisseurs budgetaires.

"Cela a sauve des entreprises et des emplois et nous a permis de rebondir rapidement", a declare Annika Winsth, economiste en chef de Nordea.

Plusieurs pays europeens sont confrontes a des coupes budgetaires douloureuses apres avoir laisse les deficits et les niveaux d'endettement s'envoler ces dernieres annees - un sort que la Suede tient a ne pas revivre.

"Je pense que nous finirons probablement par atteindre un objectif de budget equilibre", a declare Mattias Persson, economiste en chef a la Swedbank, un resultat qui entrainerait une augmentation des depenses par rapport aux niveaux actuels.

"Mais nous ne pouvons pas nous contenter de deverser de l'argent sur des choses qui ne produiront pas de valeur pour les generations futures", a-t-il ajoute.

(1 $ = 10,5978 couronnes suedoises)