Tidjane Thiam, le directeur général de Prudential, se heurte depuis plusieurs semaines à l'opposition d'une partie des actionnaires à son projet, d'un montant annoncé de 35,5 milliards de dollars (29,2 milliards d'euros), ce qui l'a contraint à tenter dans l'urgence une renégociation du prix.

Prudential, numéro un du secteur au Royaume-Uni, a proposé à AIG de réduire ce prix d'environ cinq milliards de dollars, soit près de 15%, pour le ramener à 30,375 milliards, payables en numéraire et en actions, a-t-il expliqué mardi.

Mais AIG a sèchement rejeté cette nouvelle offre, disant vouloir s'en tenir aux conditions initiales.

"La meilleure chose à faire pour Pru consisterait à engager un retrait dans le calme", estime Paul Mumford, gérant chez Cavendish Asset Management. "Si l'on va jusqu'au vote, je serais très surpris de voir les actionnaires donner leur accord."

Prudential a simplement indiqué qu'il publierait un nouveau communiqué "en temps voulu". La direction du groupe a entamé des discussions avec les principaux actionnaires. Le conseil d'administration pourrait trancher rapidement, peut-être même dès ce mardi.

L'heure tourne pour le britannique, qui a convoqué ses actionnaires le 7 juin, soit lundi prochain, pour leur soumettre son projet de rachat d'American International Assurance (AIA), la plus grosse acquisition jamais tentée dans le secteur.

QUEL "PLAN B" POUR PRUDENTIAL ?

Prudential et AIG ont repris les négociations la semaine dernière pour tenter de sauver cet accord alors qu'il semblait de plus en plus improbable que le britannique parvienne aux 75% de votes positifs des actionnaires au rachat d'AIA d'une part et d'autre part à l'augmentation de capital de 21 milliards de dollars nécessaires pour le financer.

Un échec sur ce dossier pourrait compromettre l'avenir de Tidjane Thiam à la tête de Prudential, un an à peine après son arrivée à la direction générale.

"Pru devra nous expliquer quel est son 'plan B' stratégique", a déclaré un actionnaire qui a requis l'anonymat.

"Il s'agirait sans doute d'entamer une revue stratégique du groupe et peut-être pas avec le même directeur général."

L'abandon du projet représenterait aussi un revers cinglant pour le directeur général d'AIG, Robert Benmosche, qui entend rembourser rapidement une partie des 132 milliards de dollars d'aides reçues des autorités fédérales américaines pour sauver le groupe de la faillite fin 2008.

A la Bourse de Londres, l'action Prudential gagnait 6,4% à 576 pence à la mi-journée. Cette hausse traduit le soulagement des investisseurs à la perspective d'un abandon de l'augmentation de capital. Au même moment, l'indice européen Stoxx 600 du secteur de l'assurance cédait 1,6%.

Un échec du projet AIA pourrait aussi relancer la spéculation sur une scission de Prudential, même si les acquéreurs potentiels disposant de liquidités importantes sont rares dans le secteur.

"C'est une possibilité à moyen-long terme, mais je n'y crois pas à court-moyen terme", déclare Barrie Cornes, analyste de Panmure Gordon. "Je ne crois pas qu'il y ait des repreneurs évidents."

Denny Thomas, Marc Angrand pour le service français, édité par Danielle Rouquié