PARIS (awp/afp) - Dans le sillage d'un ralentissement de l'économie, l'industrie française qui emploie plus de 10% des salariés du pays, espère garder une certaine dynamique après l'embellie de 2017, mais l'exemple de l'aciérie Ascoval, en quête d'un repreneur, illustre des difficultés persistantes.

L'année dernière, la croissance de 1,7% de l'industrie manufacturière -- bien qu'inférieure à celle de l'ensemble de l'économie (+2%) -- avait permis une création nette d'emplois, pour la première fois depuis 2000, selon les chiffres de l'Insee publiés cet été.

Au total, 5.400 emplois ont été générés en 2017, notamment dans l'industrie agro-alimentaire qui frémit depuis quelques années, mais aussi dans le secteur textile ou l'industrie chimique.

Cette année, malgré un bon démarrage avec une production manufacturière qui a continué de progresser (+0,6% en août, après +0,5% en juillet), les créations d'emplois dans le secteur industriel ont un peu diminué de 0,1%, aux premier et au deuxième trimestre.

Récemment, l'indicateur du climat des affaires a faibli dans l'industrie manufacturière, dans les enquêtes Insee de septembre et octobre. Les industriels signalent des carnets de commandes moins remplis et des stocks de produits finis supérieurs à la normale.

Cet indicateur avancé est tombé à un plus bas depuis novembre 2016, relève Marc Touati, directeur du cabinet ACDEFI.

"C'est la vraie nouveauté de l'année 2018. On a une situation industrielle qui se dégrade et ce n'est pas lié simplement à la France, on a exactement la même chose en Allemagne", déclare-t-il à l'AFP.

"Le ralentissement allemand affecte l'industrie française", poursuit Marc Touati, qui pointe d'autres causes comme la hausse du pétrole, les risques protectionnistes, et un ralentissement général de l'économie mondiale.

Or "l'industrie a un rôle moteur important. Historiquement, très souvent les services suivent l'activité industrielle", note-t-il.

Ce secteur emploie 2,8 millions de salariés en France, soit 11% de la population active (hors intérim), selon l'Insee.

En 2016, l'industrie manufacturière représentait encore 10,2% du PIB de la France, loin derrière le champion européen, l'Allemagne (avec 20,6%) suivie de l'Italie (14,6%) et de l'Espagne (12,8%), selon la Direction générale des entreprises.

Bonne nouvelle en tout cas, selon David Cousquer, gérant du cabinet d'analyse Trendeo, qui compile les créations et fermetures d'entreprises, "les emplois manufacturiers ralentissent moins que l'ensemble de l'économie ces derniers temps".

L'explication pourrait venir du rôle de l'intérim qui "a une place extrêmement importante"dans l'industrie, souligne-t-il à l'AFP, alors que les chiffres officiels portent en premier lieu sur les CDI.

pas de décrochage

Selon l'observatoire Trendeo de l'emploi, qui agrège salariés sous contrat et intérimaires, 20 secteurs de l'industrie manufacturière sur 27 sont en progression sur les trois premiers trimestres de 2018. La hausse est de plus de 3.200 emplois entre 2017 et 2018.

D'autre part, le solde des ouvertures et fermetures d'usines reste positif en 2018, avec 16 usines supplémentaires sur les neuf premiers mois, contre 19 pour toute l'année 2017. Même si 576 entreprises ont disparu depuis 2009.

Le président de la Fédération des industries mécaniques (FIM), Bruno Grandjean, "ne voit absolument pas de décrochage français" dans l'industrie.

"On est toujours sur une tendance favorable. Elle est peut-être un tout petit peu ralentie par rapport à ce qu'elle était en 2017", dit-il à l'AFP.

La FIM observe "des chiffres de robotique qui montrent de l'investissement fort, beaucoup de biens d'équipement qui sont en croissance élevée et bénéficieront du suramortissement qui servira de relais en 2019", explique-t-il.

Cette "dynamique de croissance se traduit par des difficultés (...) de recrutement", constate M. Granjean. "La reconquête industrielle est d'une grande difficulté, mais la confiance est toujours là", affirme-t-il.

France Stratégie et le cercle de réflexion La Fabrique de l'industrie ont publié vendredi une étude montrant que l'investissement dans les machines et équipements est "un peu plus faible" que dans les pays voisins, ce qui pourrait expliquer "en partie certaines performances décevantes de l'industrie française".

"Le principal problème c'est l'attractivité du site France" pour inciter les entreprises à y "développer des activités productives", explique à l'AFP Louis Gallois, co-président de La Fabrique de l'industrie, président du conseil de surveillance de PSA et ancien patron de la SNCF et d'Airbus.

"Objectivement, fabriquer en France est compliqué", renchérit Bruno Grandjean, également PDG du groupe Redex. Pour lui, "le gouvernement n'a pas pris la mesure des choses d'un point de vue de la fiscalité (...) ce qui fait que beaucoup de grosses entreprises ne font plus le choix prioritaire des usines françaises" par rapport à leurs autres sites.

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