L'ex-directeur de cabinet de Christine Lagarde, alors ministre de l'Economie, et l'ancien dirigeant du CDR, chargé de gérer le passif du Crédit Lyonnais, doivent s'expliquer sur leur choix en faveur de l'arbitrage dont a bénéficié en 2008 l'homme d'affaires dans son conflit avec la banque.

L'enquête a pris un nouveau tournant depuis la mise en examen, fin mai, de Pierre Estoup, l'un des trois juges arbitres, pour escroquerie en bande organisée.

Un porte-parole d'Orange s'est refusé à tout commentaire sur une affaire qui concerne les fonctions passées de son PDG.

La brigade financière s'efforce de déterminer qui a pris l'initiative de proposer un arbitrage privé pour solder le conflit, s'il y a eu un accord entre Nicolas Sarkozy et Bernard Tapie, et s'il a existé une entente pour truquer le processus.

Les enquêteurs doivent également déterminer s'il y a eu des instructions de l'Elysée, les protagonistes ayant confirmé la tenue d'une réunion avec Claude Guéant, alors secrétaire général, à l'été 2007.

Le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, cité jeudi dernier par le quotidien Le Monde, avait ainsi estimé que la question de son maintien à la tête d'Orange pourrait alors se poser avant de modérer ses propos dans un communiqué.

Contacté par le quotidien, Stéphane Richard a déclaré de son côté avoir obtenu de François Hollande des assurances sur son maintien à la tête du groupe.

"VALIDATION DE L'ÉLYSÉE"

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde a été placée le 24 mai sous statut de témoin assisté dans ce dossier par la Cour de justice de la République.

L'ex-ministre a officiellement lancé la procédure d'arbitrage, assez inhabituelle pour le règlement d'un conflit qui engage de l'argent public et prise contre l'avis des services de son ministère et de plusieurs avocats consultés, qui prévoyaient une lourde facture pour l'Etat.

Christine Lagarde a dit à plusieurs reprises qu'elle assumait le choix de cette procédure qui a permis à Bernard Tapie d'obtenir 403 millions d'euros avec les intérêts comme compensation pour la revente par le Crédit Lyonnais de son ancienne entreprise Adidas, dans laquelle il se dit floué.

Mais il n'est pas certain qu'elle ait été informée de toutes les tractations et notamment de la réunion de l'été 2007 à l'Elysée.

Bernard Tapie, qui dément toute entente, a qualifié lui-même de "très grave" le chef d'escroquerie en bande organisée et déclaré qu'il annulerait l'arbitrage "si l'on découvre la moindre entourloupe", mais il ne pourrait en fait renoncer qu'à une partie du montant qui lui a été octroyé.

Claude Guéant s'est refusé à tout commentaire.

Stéphane Richard a varié pour sa part dans ses déclarations, assurant au Canard enchaîné de la semaine dernière avoir mis en musique des instructions de l'Elysée, alors que Nicolas Sarkozy venait d'arriver au pouvoir.

Interrogé le 5 juin par Reuters, il a démenti toute pression et évoqué un "consensus" entre les acteurs du dossier avec "validation de l'Elysée". "Tout le monde était d'accord à l'époque" sur la pertinence de la procédure, a-t-il dit.

Le PDG d'Orange doit également s'expliquer sur le fait qu'il connaissait, selon un rapport de la Cour des comptes, les liens passés entre le juge arbitre Pierre Estoup et des proches de Bernard Tapie.

Selon le Journal du dimanche, daté du 9 juin, il en aurait informé sa ministre "entre deux portes".

La connaissance de ces liens aurait dû amener Bercy à récuser cet arbitre ou, par la suite, à introduire un recours, selon Thomas Clay, un expert de l'arbitrage entendu par l'Assemblée nationale sur ce dossier.

Gérard Bon, avec Nicolas Bertin, édité par Yves Clarisse