(Actualisation: confirmation de l'arrestation de Carlos Ghosn par le directeur général de Nissan, conseil d'administration de Nissan jeudi, déclaration d'Emmanuel Macron, réaction en Bourse)

PARIS/TOKYO (Agefi-Dow Jones)--Carlos Ghosn, le PDG de Renault et président des constructeurs automobiles japonais Nissan et Mitsubishi, a été arrêté lundi à Tokyo, a confirmé le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, lors d'une conférence de presse lundi. Le groupe avait auparavant annoncé avoir mené une enquête interne qui a révélé des "fautes graves" de la part de Carlos Ghosn et avoir l'intention de le démettre de ses fonctions de président et d'administrateur du constructeur automobile japonais.

Le conseil d'administration de Nissan se réunira jeudi pour démettre Carlos Ghosn de ses fonctions, a précisé Hiroto Saikawa lundi.

Cette arrestation suscite des interrogations sur l'avenir de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. Côté français, le président de la République, Emmanuel Macron, a déclaré lundi pendant une conférence de presse à Bruxelles que "l'Etat, en tant qu'actionnaire [de Renault, ndlr], sera extrêmement vigilant à la stabilité de l'alliance et au groupe". L'Etat français détient 15,01% du capital de Renault.

Hiroto Saikawa a de son côté assuré que le fonctionnement de l'alliance ne serait pas affecté par le fait que le dirigeant serait démis de ses fonctions de président et d'administrateur du constructeur automobile japonais.

Des porte-parole de Renault et Mitsubishi ont refusé de s'exprimer. Carlos Ghosn n'était pas joignable dans l'immédiat.

A la Bourse de Paris, le cours de Bourse de Renault chutait de 10,2% à 57,90 euros.

Selon la chaîne de télévision publique NHK, le parquet de Tokyo soupçonne le dirigeant de ne pas avoir déclaré quelque 5 milliards de yens (39 millions d'euros) de revenus.

Hiroto Saikawa a expliqué que Carlos Ghosn avait été arrêté avec Greg Kelly, un administrateur de Nissan soupçonné de l'avoir aidé. Ce dernier devrait également être démis de ses fonctions après le conseil d'administration de jeudi.

"Je ressens une vive colère et une profonde déception", a déclaré Hiroto Saikawa pendant la conférence de presse organisée au siège de Nissan à Yokohama.

Nissan a précisé avoir fourni des informations au Parquet et coopérer pleinement avec l'enquête.

Soupçons de fraude fiscale et abus de biens sociaux

Lundi matin, le constructeur japonais avait publié un communiqué dans lequel il disait avoir mené une enquête interne à la suite d'un rapport rédigé par "un lanceur d'alerte".

Les conclusions de cette enquête, qui a duré plusieurs mois, ont révélé entre autres des malversations de la part de Carlos Ghosn et de Greg Kelly, a expliqué Nissan. Selon cette enquête, Carlos Ghosn n'a pas déclaré la totalité de sa rémunération aux autorités boursières et a utilisé à des fins personnelles des actifs de la société, a précisé le constructeur dans son communiqué.

Renault, Nissan et Mitsubishi sont alliés au sein de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi. L'an dernier, la rémunération totale du dirigeant pour ses fonctions chez Nissan et Mitsubishi s'élevait à 8,5 millions de dollars, en numéraire et en actions. Son salaire a atteint 7,4 millions d'euros chez Renault.

Carlos Ghosn, 64 ans, est devenu directeur des opérations de Nissan en 1999 et a été nommé directeur général du constructeur automobile en 2001. Il a quitté ces fonctions l'année dernière mais a conservé son rôle de président.

L'architecte de l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi

L'alliance Nissan-Renault-Mitsubishi se prépare à un avenir sans Carlos Ghosn, son principal architecte. Le dirigeant est censé quitter son poste de PDG de Renault d'ici à 2022, avec pour objectif que l'alliance soit devenue "irréversible" à ce stade. En juin, il avait précisé qu'il existait "zéro chance" que Renault rachète ses partenaires d'alliance.

Le directeur général de Nissan, Hiroto Saikawa, a indiqué être opposé à une fusion et souhaiter que les groupes restent indépendants.

D'accord sur ce point, Hiroto Saikawa et Carlos Ghosn ont parfois émis des opinions divergentes sur certains points stratégiques. Tandis que le président de Nissan et de l'alliance a déclaré espérer que cette dernière produise 14 millions de véhicules d'ici à 2022, le directeur général de Nissan a préféré ne pas fixer d'objectifs de vente de véhicules, soulignant que le constructeur automobile devait se concentrer sur l'amélioration de sa marge bénéficiaire.

Renault détient 43,4% du capital de Nissan, qui de son côté contrôle 15% de Renault, un déséquilibre qui reflète le fait que Nissan était au bord de la faillite au moment de la formation de l'alliance entre les deux constructeurs. Mitsubishi a rejoint l'alliance après l'acquisition par Nissan d'une participation de 34% dans la société en 2016.

Le redressement rapide de Nissan, sous l'égide de Carlos Ghosn, a rendu ce dernier célèbre au Japon. Une bande dessinée racontant sa vie est devenue un best-seller dans le pays. Cependant, son héritage a été critiqué récemment, Nissan s'étant retrouvé confronté à des problèmes de qualité.

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones, et Sean McLain, The Wall Street Journal;

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