(Actualisé avec déclaration de Trump §3)

par Steve Holland et Yeganeh Torbati

WASHINGTON, 5 septembre (Reuters) - Le président Donald Trump a officialisé mardi sa décision de supprimer le programme de protection des "Dreamers", les immigrés arrivés clandestinement aux Etats-Unis alors qu'ils étaient enfants, qui avait été mis en place par Barack Obama en 2012.

La suppression de ce programme appelé Daca (Deferred Action for Childhood Arrivals) se fera cependant par étapes et ne sera pas effective avant le mois de mars prochain, ce qui laisse six mois au Congrès pour s'entendre sur le sort de ses quelque 800.000 bénéficiaires.

"Je peux vous dire en ayant parlé à des membres du Congrès qu'ils veulent réussir à faire quelque chose et à le faire bien, et vraiment, nous n'avons pas le choix", a déclaré Donald Trump à des journalistes auxquel il a redit son "grand amour" pour les "Dreamers".

Le président avait auparavant laissé à son Attorney General (ministre de la Justice), Jeff Sessions, le soin d'annoncer la prochaine abrogation du Daca, qu'il a justifiée par le caractère "anticonstitutionnel" que revêtirait selon lui ce programme mis en place il y à cinq ans par le démocrate Barack Obama sans l'aval du Congrès à majorité républicaine.

La décision de Donald Trump a suscité un tollé chez les défenseurs des droits civiques comme chez les élus démocrates et elle a poussé Barack Obama à dénoncer une "décision politique", "erronée" et "cruelle".

"Soyons clair: la décision prise aujourd'hui ne s'imposait pas légalement", a dit l'ancien président dans communiqué.

"Quelles que soient les inquiétudes ou les récriminations que peuvent avoir les Américains sur l'immigration en général, nous ne devrions pas menacer l'avenir de ce groupe de jeunes gens qui ne sont pas là par leur faute, qui ne constituent pas une menace et qui ne nous privent de rien", a poursuivi Barack Obama.

L'argument rejoint celui souvent avancé par des entreprises comme Microsoft et Facebook, qui soulignent que les "Dreamers" ont grandi et ont été éduqués aux Etats-Unis, qu'ils sont intégrés à la société américaine et qu'ils représentent une chance pour l'économie du pays.

"DÉCISION DIFFICILE" POUR TRUMP

"C'est un jour triste pour notre pays", a réagi le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, qui juge "particulièrement cruel de faire miroiter le rêve américain à des jeunes gens (...) et de les punir ensuite pour cela".

Donald Trump, qui avait déjà dit la semaine dernière "aimer les 'Dreamers'" s'est employé à présenter sa décision comme prise à contre-coeur. "Cela a été une décision difficile à prendre", a assuré sa porte-parole.

Le président américain l'a justifiée dans un communiqué qui insiste sur la nécessité de respecter les lois des Etats-Unis et sur l'urgence d'une réforme de l'immigration.

"Je ne souhaite pas punir des enfants, dont beaucoup sont désormais adultes, pour les actes de leurs parents. Mais nous devons aussi reconnaître que nous sommes un pays d'opportunités parce que nous sommes un Etat de droit", argumente-t-il.

Le Daca est depuis longtemps la cible des conservateurs américains, lesquels avancent que l'immigration illégale fait perdre des emplois aux Américains.

Ce que Jeff Sessions a résumé de manière lapidaire devant la presse en annonçant sa prochaine suppression: "Nous ne pouvons pas accepter tous ceux qui aimeraient venir ici, c'est aussi simple que cela."

Dans son communiqué, Donald Trump renvoie sur la majorité républicaine au Congrès la responsabilité de trouver d'ici mars 2018 une solution satisfaisante à la situation des "Dreamers", tout en se disant prêt à travailler "avec les républicains et les démocrates" pour faire passer une réforme de l'immigration "dont la principale priorité sera d'améliorer les emplois, les salaires et la sécurité des travailleurs américains et de leurs familles".

Paul Ryan, le président de la Chambre des représentants, a aussitôt promis de se pencher sur "des questions comme la sécurité des frontières et l'application de la loi auxquelles le Congrès n'a pas été capable d'apporter de réponse satisfaisante depuis des années".

"UN ACTE DE LÂCHETÉ POLITIQUE"

La coopération avec les démocrates sur ce point s'annonce difficile, tant la suppression du Daca a suscité l'indignation dans leurs rangs.

Nancy Pelosi, présidente du groupe démocrate à la Chambre des représentants, a ainsi estimé que la décision de Donald Trump relevait d'"un acte profondément honteux de lâcheté politique".

Quant à Chuck Schumer, leader de la minorité démocrate au Sénat, a annoncé que les démocrates allaient s'employer à empêcher que cette "décision terriblement mauvaise de Trump devienne réalité."

Les démocrates ne sont pas les seuls à critiquer le chef de la Maison blanche, une nouvelle fois pris pour cible par le sénateur républicain John McCain qui a dénoncé une "approche erronée de la politique migratoire".

Le procureur général de l'Etat de Washington, Bob Ferguson, a d'ores et déjà promis d'"utiliser tous les moyens juridiques" à sa disposition pour "défendre les milliers de 'Dreamers' de l'Etat de Washington.

Les gouverneur et procureur général de l'Etat de New York, Andrew Cuomo et Eric Schneidermann, ont également promis une action en justice contre la suppression du Daca.

La décision de Trump a aussi été critiquée à l'étranger, en particulier au Mexique, dont le ministère des Affaires étrangères a déploré une initiative "navrante", tout en se disant prêt à "accueillir à bras ouverts" les Dreamers qui voudront rentrer au pays. (Eric Faye et Tangi Salaün pour le service français)