Ce football qui n’est pas à une contradiction près !  
   

En effet, l’Espagne qui domine par ses résultats le monde entier depuis quatre ans, possède les clubs les plus « généreux » en terme de masses salariales. Pendant ce temps, le pays a du mal à trouver des financements auprès des marchés des dettes souveraines ou bien à des taux insoutenables.

L’arrivée de mécènes aux moyens quasi-illimités

Cette dichotomie touchant le domaine du football en Espagne s’étend à d’autres pays avec l’arrivée depuis quelques années de riches investisseurs qui proviennent soit des oligarques russes, à l’image de Chelsea, ou qui ont des ressources quasi illimitées en pétrodollars comme le Qatar. En effet, l’actualité récente évoque les investissements sportifs de l’Emirat du Moyen Orient dans le football, en injectant plus de 170 millions d’euros sur les deux dernières saisons pour l’achat de joueurs réputés au Paris Saint Germain. Cette arrivée des qataris s’intègre dans une stratégie globale de diversification de leurs actifs prestigieux : clubs de football, chaines de télévision (BE-IN sport). Le Qatar, par ce biais, investit dans un spectacle et sa retransmission pour s’inscrire dans une dimension politique et diplomatique.
Le « foot-business » a essayé de pénétrer le domaine spécifique de la bourse avec les premières introductions effectuées il y a une vingtaine d’année en Europe. A l’époque, les « actionnaires repreneurs » ne possédaient pas de capitaux illimités d’où la nécessité de venir chercher un financement supplémentaire en bourse.

Evolutions boursières peu reluisantes

Les parcours boursiers des clubs de football n’ont jamais fait rêver les investisseurs. Aucun des pays où le foot règne n’échappe à la déroute. L’Angleterre a vu des clubs quitter la cote soit parce que les performances n’étaient plus au rendez vous ou soit parce qu’un investisseur richissime rachetait le club et le retirait dans la foulée de la cote (Manchester United , Manchester city, Arsenal ou Chelsea) .

La prochaine introduction, dans le courant de l’été, de Manchester United au NYSE à New York remet le club, le plus cher du monde au devant de la scène financière. Le groupe s’était retiré de la bourse de Londres en 2005 avec l’arrivée de l’homme d’affaires américain Malcom Glazer qui, grâce à un montage sophistiqué, avait racheté le club en endettant ce dernier. Les motivations de ce retour en bourse s’expliquent essentiellement par la volonté de réduire le désendettement et de vendre la marque sur le continent américain.
Même si le club a réalisé en 2011 un bénéfice net de 19.7 millions de dollars pour un chiffre d’affaires total de 518 millions de dollars, ces bonnes publications ne peuvent pas résulter que des ventes de produits dérivés mais sont dépendantes aussi de la réussite sportive qui n’était d’ailleurs pas au rendez-vous pour la saison 2012.

En Italie, la frénésie de s’introduire sur le marché financier s’est emparée des clubs de la Série A dans les années 90 et aucun titre du secteur a pu échapper à la débâcle financière. Les trajectoires baissières sans fin pour les grands clubs comme la Lazio de Rome, la Juventus de Turin ou l’AS Rome ont ruiné leurs actionnaires avec des cours en baisse de plus de 95%. Ces groupes italiens avaient eu l’autorisation politique par le Parlement de s’introduire sur un « pricing » élevé alors que le gendarme de la bourse italienne (Consob) s’était montré réticent par rapport aux risques qu’encouraient les investisseurs.

L’Espagne a échappé au massacre car les autorités obligent les clubs à réaliser trois exercices bénéficiaires avant une éventuelle distribution de dividendes et de posséder dans le capital aucun actionnaire à plus de 25% des parts. De plus, les grands clubs ibériques comme le Real de Madrid ou Barcelone ne peuvent entrer sur les marchés du fait de leur statut juridique de société à but non lucratif ; ces derniers étant détenus par les « socios » (supporters), ils ne peuvent faire appel à l’épargne publique.

Seuls les clubs turcs ont pu avoir des performances sur la dernière décennie avec des dépenses moins somptuaires pour les groupes de sport, des masses salariales en adéquation avec leur budget mais surtout par une diversification efficace des activités (biens immobiliers, marques commerciales) ; c’est le cas pour Galatasaray, Trabzonspor et Besiktas.
L’indice européen qui regroupe l’ensemble des clubs de football en bourse s’est vu réduire ses composantes avec, à ce jour, plus que 21 clubs  cotés contre 33 en 2005.

Voici le graphique de l'indice européen "Dj Stoxx football" , très chahuté depuis 10 ans





Le seul cas français connaît aussi des difficultés

C’est avec des ambitions légitimes et une réelle volonté de développement que Jean Michel Aulas avait décidé d’introduire son club de l’Olympique Lyonnais en 2006. L’action qui a coté 26 EUR, le jour de la mise sur le marché, confirme que l’équipe fanion se situait bien en haut de cycle. A ce jour, le titre peine autour des 3 EUR avec des volumes squelettiques (5000 euros traités en moyenne / jour).
Cette introduction qui devait permettre de financer le fameux grand stade des « Lumières » représentait une bonne stratégie intrinsèquement sauf qu’entre temps les résultats n’ont pas permis d’engendrer de recettes suffisantes. Cette réduction des revenus s’explique par la baisse des droits télévision, l’érosion des ventes de produits dérivés et surtout par la forte décote des actifs joueurs. Le groupe sportif  a même émis pour 24 millions d’obligations convertibles pour se « payer » Gourcuff  avec un endettement sur 5 ans pour un « actif joueur » qui n’a pas rentabilisé les montants investis. Alors qu’au cours de la même période la masse salariale enflait. Un tel croisement des courbes « dépenses/recettes » n’offre pas de réelles garanties pour un investisseur d’où les dégagements graduels sur l’action du groupe lyonnais.


A l’image de notre exemple français, pourtant géré par un entrepreneur d’expérience, les clubs de football pour leur  grande majorité offrent une très faible visibilité. Les aléas sportifs doivent être plus que compensés par une diversification. Cet élargissement des sources de revenus (marchandising) rapproche l’activité des clubs à des groupes de loisirs avec une exposition conjoncturelle importante, difficile à maitriser en cas de crise économique.

Il faut donc une marque forte qui dépasse les frontières d’un pays pour toucher des marchés américains et asiatiques. Cela ne peut concerner que quelques clubs  qui possèdent une notoriété mondiale mais surtout des actionnaires fidèles souvent à l’écart de la bourse d’où le questionnement sur la réussite et l’engouement de la prochaine introduction du club de Manchester United à la bourse américaine.