Cette demande fait suite à la décision de ces actionnaires de rassembler plus de 50% du capital d'Hermès au sein d'une holding destinée à sécuriser leurs titres face à LVMH, qui a révélé à la stupeur générale avoir acquis 17% du groupe fin octobre.

Toute entité qui franchit le seuil de 33% du capital d'une entreprise cotée doit théoriquement déposer une offre sur l'ensemble du capital de la société.

A ce jour, les trois branches héritières du fondateur Thierry Hermès, Dumas, Puech et Guerrand, détiennent environ 73% du capital du groupe, une participation disséminée entre une soixantaine de personnes qui ne sont liées par aucun droit de préemption ou pactes d'actionnaires.

Pour certains acteurs du dossier, le projet de holding change la donne pour les actionnaires minoritaires qui, outre LVMH, détiennent aujourd'hui environ 10% du capital.

Colette Neuville, présidente de l'Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam), est montée au créneau et a clairement fait savoir qu'elle ferait appel en justice si l'AMF accordait une dérogation d'OPA à Hermès.

Elle conteste le principal argument avancé par le groupe de luxe, à savoir une opération dite de "reclassement" qui consiste à considérer que la famille détenait déjà le contrôle du groupe et que sa participation passe d'une détention directe des titres à une détention indirecte.

Elle réfute l'idée d'un contrôle capitalistique préexistant, Hermès ayant toujours indiqué au marché, selon elle, "qu'il n'existait pas d'actionnaire contrôlant seul ou de concert le capital de la société".

INFORMATIONS "IMPRÉCISES"

"Ou bien un accord tacite de contrôle entre les membres de la famille a toujours existé et alors (...) les déclarations faites précédemment sont constitutives d'information trompeuse (...) Ou bien, ces déclarations sont exactes (...) et la famille ne peut s'appuyer sur un prétendu contrôle préexistant pour demander à bénéficier d'une dérogation", écrit la présidente de l'Adam dans une lettre transmise mardi à l'AMF.

Elle reproche aussi à Hermès des informations "très imprécises sur des points essentiels pour les minoritaires et le marché", comme les membres de la famille qui se sont engagés à apporter leurs titres à la holding, la forme juridique de cette dernière ou la valeur à laquelle les titres seraient apportés.

Si l'AMF devait confirmer l'existence d'un contrôle des actionnaires familiaux, elle le contesterait au motif qu'il aurait changé de mains, a-t-elle déclaré à Reuters.

Une porte-parole de l'AMF a rappelé qu'en la matière il n'y avait pas de délai formel pour statuer sur ce genre de demande, ajoutant qu'en général quelques semaines étaient nécessaires, en fonction de la complexité du dossier.

Elle a refusé en revanche de confirmer la réception par l'AMF de la demande de dérogation adressée par la famille Hermès.

Dans la pratique de l'AMF et sa jurisprudence, il n'y a pas eu par le passé de situation véritablement équivalente.

En cas de refus de dérogation, la famille Hermès peut renoncer à créer une holding et opter pour de simples accords de droits de préemption entre actionnaires individuels.

Elle peut aussi confirmer la création d'une holding et lancer une OPA sur les 27% du capital qu'elle ne détient pas, ce qui se révèlerait extrêmement coûteux compte tenu de la valorisation du titre en Bourse et pourrait aussi ouvrir la voie à une contre-offre de LVMH.

Pascale Denis, édité par Wilfrid Exbrayat