Berlin (awp/afp) - Le trafic ferroviaire et aérien est fortement perturbé jeudi en Allemagne par une vague de nouvelles grèves qui illustrent la dégradation du climat social dans la première économie européenne.

L'Allemagne est confrontée depuis un an à une multiplication des conflits sociaux dans différentes branches professionnelles, des supermarchés aux services, où les négociations sur les salaires et les conditions de travail se durcissent après une longue période d'envolée des prix.

Ces tensions, qui bousculent un pays autrefois réputé pour la qualité de son dialogue social et la recherche du consensus entre patronat et syndicats, se cristallisent dans le secteur des transports.

Pour la cinquième fois depuis novembre 2023, les conducteurs de trains de la compagnie publique Deutsche Bahn sont en grève depuis les premières heures de la matinée jeudi, jusqu'à vendredi à la mi-journée.

Dans le secteur aérien, le débrayage du personnel au sol du premier groupe européen de transport aérien Lufthansa, prévu jusqu'à samedi matin dans les principaux aéroports allemands, est très suivi.

Au total, la compagnie a précisé jeudi ne pouvoir assurer que "10 à 20% de son programme de vol" pendant la durée de l'arrêt de travail.

Le plus grand aéroport du pays, à Francfort-sur-le-Main (ouest), a prévenu que les départs seraient totalement paralysés car, à la grève chez Lufthansa, s'ajoute un arrêt de travail des agents de sécurité de la plateforme pour la journée de jeudi.

Sur le rail, une offre de base est maintenue, mais globalement seuls 20% des trains longue distance circulent et il y a de "nettes différences régionales", a déclaré le porte-parole de la Deutsche Bahn Achim Stauß à la télévision publique ZDF.

"Sur le dos des usagers"

"Je pense qu'après une longue période", les négociations entre partenaires ne devraient "plus se faire sur le dos des passagers", affirme à l'AFP l'un d'eux, Reinhard Ligocki, à la gare de Berlin. Même si cet homme originaire de la Ruhr, dans l'ouest, fait parti des heureux élus dont le train n'a pas été annulé jeudi.

Les revendications des syndicats portent autant sur des augmentations de salaires que sur les conditions de travail.

Deutsche Bahn affirme avoir fait des concessions allant jusqu'à 13% de salaire supplémentaire, ainsi que la possibilité de réduire la semaine de travail d'une heure à partir de 2026.

Le syndicat des conducteurs de trains, GDL, revendique le passage à une durée hebdomadaire de travail de 35 heures sans perte de salaire, contre 38 heures actuellement.

Le syndicat menace de durcir encore le mouvement, qui s'était traduit par une paralysie des transports ferroviaires pendant cinq jours d'affilée en janvier, en organisant des grèves sans le préavis habituel de 48 heures.

Ces grèves sont coûteuses pour la première économie européenne déjà engluée dans une sèvère crise de compétitivité de son industrie. Ces conflits sociaux "aggravent la situation", a déploré le président de l'Ifo, l'un des principaux instituts économiques, Clemens Füst.

Actionnaires récompensés

Chez Lufthansa, le syndicat Verdi demande des augmentations de salaire de 12,5%, soit un minimum de 500 euros de plus par mois, et juge que le groupe "ne bougera pas tant que la pression n'aura pas augmenté".

Après le personnel au sol, dont ce sera jeudi le quatrième débrayage en quelques mois, les agents de cabine de Lufthansa devraient également se mettre en grève prochainement, après l'échec, acté mercredi, d'une nouvelle séance de négociations sur les salaires et les conditions de travail.

Les grèves "nuisent à nos clients, à l'entreprise et, en fin de compte, à nos employés", a déclaré le chef du personnel, Michael Niggemann, appelant Verdi à entamer des discussions "constructives".

Cette nouvelle mobilisation salariale intervient alors que le groupe a annoncé jeudi un doublement de son bénéfice net l'an passé, porté par un accroissement de la demande et les hausses de prix du billet.

A 1,67 milliard d'euros, c'est le "troisième meilleur résultat de l'histoire", s'est félicité Lufthansa, qui a décidé dans la foulée de récompenser ses actionnaires par un retour au versement de dividendes.

afp/ck