Paris (awp/afp) - Tous les ans, les investisseurs guettent en vain une remontée des taux d'emprunt des Etats, et après un cru 2019 qui a encore déjoué les pronostics avec de nouveaux plongeons, peu osent croire à une vraie inflexion en 2020.

Si le contexte macroéconomique et les points bas historiques touchés l'an dernier plaident pour une hausse, les ingrédients qui ont lesté le marché de la dette souveraine l'an dernier sont toujours là, avec des trajectoires monétaires bienveillantes et une légion d'incertitudes politiques.

Ce qui n'est pas pour déplaire aux pays, en particulier de la zone euro, qui bénéficient du coup de conditions de financement exceptionnelles.

"Globalement, nous ne nous attendons pas à des mouvements de taux violents en 2020. Nous devrions avoir plutôt une année relativement voisine de 2019", affirme à l'AFP Frédéric Gabizon, responsable pour le marché obligataire chez HSBC France.

"Le soutien des banques centrales reste un facteur positif", complète-t-il. Et "des événements comme l'assassinat du général iranien début janvier nous rappellent que chaque jour amène une surprise" propre à conforter le marché de la dette dans son rôle de refuge.

"Il y a vraiment des facteurs qui vont dans les deux sens et nous ne nous attendons pas forcément ni à une hausse ni à une baisse", souligne également Henrietta Pacquement, responsable obligataire chez Wells Fargo AM.

"Le risque le plus immédiat est celui des tensions au Moyen-Orient", observe Arnaud-Guilhem Lamy, responsable des stratégies obligataires pour les fonds obligataires euros diversifiés chez BNP Paribas Asset Management. Après, il y aura "la primaire démocrates aux États-Unis puis le scrutin présidentiel américain. Le tout avec toujours comme fil rouge les négociations commerciales et celle pour concrétiser le Brexit".

En attendant Godot

En terme de taux d'intérêt, selon lui, "il semble difficile d'aller beaucoup plus bas" sauf "épisodiquement en raison de tensions politiques", mais "la remontée sera forcément limitée".

"C'est devenu le Godot des marchés", résume Patrice Cochelin, responsable des notations souveraines pour l'Europe de l'Ouest et l'Afrique francophone, chez S&P, en faisant référence à la pièce de théâtre de Samuel Beckett où le dit Godot n'arrive jamais.

"Les conditions très favorables en terme de coût mais également avec un allongement de la durée des emprunts dont ont bénéficié les États en 2019 est de bon augure pour la suite", anticipe de son côté M. Gabizon, parce que "plus un État emprunte à long terme et plus il bénéficie d'oxygène pour longtemps".

Car pour les États, 2019 aura sans conteste une année plus que faste, principalement grâce au virage accommodant pris par les banques centrales.

Résultat, les taux d'emprunt ont baissé aux États-Unis et de façon encore plus spectaculaire en Europe.

Celui à 10 ans de l'Allemagne, le Bund, qui fait référence, est ainsi descendu jusqu'à -0,74%. Celui de la France est passé en territoire négatif pour la première fois de son histoire en juin et pour l'Espagne, le Portugal, l'Italie et la Grèce, 2019 a aussi été l'année des points bas historiques.

L'Italie toujours scrutée

Si l'Italie a fait un retour notable, de l'avis d'une majorité d'experts, le pays reste néanmoins une "zone de fragilité".

"Le problème viendra du côté politique, si le gouvernement actuel ne résiste pas aux prochaines régionales de fin janvier", juge Mme Pacquement en soulignant toutefois qu'"à la différence des années précédentes le système bancaire a fait des progrès".

Cet état de grâce pour les emprunts d'État repousse aussi le spectre d'un excès d'endettement. Tout comme il rend la nécessité d'une réforme budgétaire moins impérative pour les États les plus endettés.

In fine le découragement des investisseurs, si les taux baissaient encore, pourrait être le principal risque, estiment certains banquiers.

"Aujourd'hui c'est une équation très compliquée pour les investisseurs, analyse M. Cochelin. La garantie de perdre de l'argent n'est pas attrayante, mais quelle autre proposition s'offre à eux? le marché actions est cher, celui de la dette d'entreprise aussi et c'est aussi pour cela que la dette souveraine est toujours bien placée".

afp/al