(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* Les tensions commerciales ébranlent les marchés

* Une menace réelle mais un impact difficile à chiffrer

* La Bourse de Shanghai plonge, le yuan souffre

* La courbe des taux américains s'aplatit

* Le second semestre s'annonce chaud après un premier difficile

par Patrick Vignal

PARIS, 2 juillet (Reuters) - Avec un "bear market" en Chine, des Bourses nerveuses un peu partout et des signaux inquiétants sur les devises et les taux, un second semestre tendu se profile sur les marchés, en raison principalement du bras de fer que se livrent les deux premières puissances économiques mondiales sur le front du commerce.

Selon un scénario désormais bien rodé, les actifs risqués redressent timidement la tête à la moindre accalmie avant de replonger dès que l'un des protagonistes du duel entre Washington et Pékin durcit de nouveau le ton.

La semaine qui s'achève en a donné un bel exemple sur le volet du contrôle par les Etats-Unis des projets d'investissements étrangers, Donald Trump apaisant pour un temps les débats avant que son conseiller économique Larry Kudlow ne ravive les inquiétudes.

Les menaces du président américain de taxer de plus en plus lourdement les produits chinois importés aux Etats-Unis ont d'abord été perçues sur les marchés comme une tactique visant à lui assurer une marge de manoeuvre dans les négociations.

"Il apparaît maintenant que tout ceci pourrait ne pas être une technique de négociation mais quelque chose de bien réel, ce qui commence à énerver le marché", dit Eric Kuby, responsable des investissements chez North Star Investment Management.

Il ne s'agit plus de bruit de fond mais bien d'une menace concrète : Washington doit mettre en oeuvre à partir de vendredi prochain des droits de douane de 25% sur 34 milliards de dollars de produits chinois.

Ce qui devrait probablement se traduire par une riposte immédiate de Pékin, qui pourrait enclencher à son tour une nouvelle escalade de la part de Donald Trump. Le président américain a déjà évoqué des tarifs douaniers portant sur 200 milliards de dollars de produits chinois, ce qui changerait considérablement la donne en termes d'impact sur les marchés.

"L'impact macroéconomique direct des mesures existantes devrait être limité mais toute escalade pourrait affecter la croissance en impactant la confiance et resserrer les conditions financières", lit-on dans une note de Deutsche Bank.

LES VALORISATIONS MENACÉES

Les économistes de la banque allemande estiment que si la menace maximale de Washington devenait réalité, cela se traduirait par un impact négatif sur le produit intérieur brut (PIB) des Etats-Unis de 0,2 à 0,3 point de pourcentage, ce qui amputerait la croissance des bénéfices du S&P 500 de 1% à 1,5%.

Une guerre commerciale multilatérale à grande échelle remettrait en cause la majeure partie des prévisions, avec à la clé un impact d'un à 1,5 point de croissance mondiale et l'enclenchement d'un "cercle vicieux" sur les marchés qui "mécaniquement, pourrait déboucher sur une récession", évalue pour sa part Stefan Kreuzkamp, directeur des investissements Monde de la société de gestion allemande DWS, qui précise que ce scénario n'est pas celui qu'il privilégie.

Les tensions commerciales sont désormais considérées comme le risque numéro un pour les valorisations des entreprises, devant la normalisation des politiques monétaires des grandes banques centrales.

Les récentes déclarations de sociétés comme Harley Davidson et Daimler sur l'impact des barrières douanières sur leurs résultats font craindre un effet sur la saison des publications du deuxième trimestre, qui s'ouvrira dans quelques semaines.

Si les Bourses aux Etats-Unis et en Europe sont fébriles, la situation est plus préoccupante encore en Chine, où les frictions commerciales s'ajoutent aux inquiétudes sur les effets des mesures prises par les autorités afin de contenir un endettement galopant.

En dépit de son rebond vendredi, l'indice composite de la Bourse de Shanghai accuse un recul de 20% depuis son pic de janvier, ce qui caractérise un marché baissier ("bear market").

Quant au yuan, il a perdu 3,4% en juin contre le dollar, une baisse exceptionnellement forte pour une devise étroitement contrôlée.

La monnaie chinoise est passée mercredi au-dessus du seuil psychologique de 6,6 yuans pour un dollar, pour la première fois depuis six mois, et les investisseurs augmentent leurs positions à découvert, selon une enquête Reuters.

Le problème est clairement mondial : l'indice MSCI des marchés d'Asie-Pacifique hors Japon est au plus bas depuis septembre et le MSCI mondial, qui regroupe 47 marchés développés et émergents, est retombé à ses niveaux de fin mars.

LA COURBE DES TAUX S'APLATIT

En Bourse, la volatilité augmente et les secteurs exposés aux tensions commerciales comme les matières premières, la technologie ou l'automobile souffrent.

Les banques sont pénalisées également, notamment en raison de l'aplatissement de la courbe des taux provoqué par le repli sur les obligations d'Etat.

En retombant sur le seuil de 2,85%, le rendement à dix ans américain a ramené l'écart entre les rendements à deux et dix ans à moins de 33 points de base.

Le resserrement de l'écart de rendement entre taux courts et taux longs est considéré historiquement comme le signal d'une entrée en récession à plus ou moins court terme, même si certains analystes estiment que cet indicateur a perdu de sa pertinence.

Les tensions commerciales dominent tellement l'actualité qu'elles en relèguent dans l'ombre les indicateurs économiques. Il faudra quand même jeter un oeil sur les dernières enquêtes PMI sur l'activité manufacturière en Europe, lundi, et surtout sur le rapport mensuel sur l'emploi aux Etats-Unis, vendredi prochain.

Entre-temps, les investisseurs américains se changeront un peu les idées mercredi avec la fête nationale (Independence Day) avant de se remettre à suivre le compte Twitter de leur président avec une pointe d'angoisse.

"On peut toujours valoriser les actions mais il faut prier très fort pour que cette prétendue guerre du commerce n'arrive pas", explique Hugh Johnson, de Hugh Johnson Advisors.

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Valeurs citées dans l'article : Daimler, Harley-Davidson