par Paul Lienert et Ben Klayman

DETROIT, 14 janvier (Reuters) - Mary Barra prend officiellement mercredi la tête de General Motors avec pour mission d'achever la mutation du groupe automobile en conjuguant la refonte du portefeuille de marques, le redressement des activités européennes et une amélioration des marges. Un chantier vaste, mais qu'elle connaît bien.

A ce jour, le choix de Mary Barra au poste de directeur général a suscité des réactions mitigées hors de Detroit. Certains à Wall Street, où elle est encore peu connue, sont même carrément sceptiques.

"Elle a la réputation d'être un peu 'poids léger'", dit un banquier d'investissement qui a travaillé avec GM. "Elle ne s'est pas fait remarquer à un rôle de premier plan. C'est en quelque sorte une feuille blanche."

Un reproche qui n'est pas partagé au sein du groupe, où le père de Mary Barra a travaillé comme ajusteur pendant 39 ans chez Pontiac et où, entrée comme stagiaire à 18 ans, elle a gravi tous les échelons de la formation interne.

L'obtention d'un MBA à Stanford - financé par GM - en 1990 a donné un coup d'accélérateur à sa carrière, lui permettant d'enchaîner les postes à responsabilité.

Ces trois dernières années, elle a notamment contribué aux efforts de mondialisation de GM en travaillant principalement sur la réduction des coûts, la simplification des structures et la chasse au gaspillage dans le développement et la fabrication.

Elle n'a à ce jour que partiellement réussi à augmenter le nombre de composants partagés par l'ensemble des modèles du groupe dans le monde. Pour ce qui est des plates-formes communes, une tendance lourde du secteur, GM reste ainsi en retard sur Ford et sur Volkswagen et a encore plusieurs années de travail devant lui.

ÉLAGAGE ET REFONTE DES PROCESSUS

Un ancien cadre de GM qui a travaillé avec Mary Barra lui reproche le fait qu'"elle n'a jamais occupé assez longtemps un poste pour avoir beaucoup d'impact". Mais plusieurs autres collègues, anciens ou actuels, et les faits démentent ce reproche.

Si elle n'a jamais dirigé une division opérationnelle - la voie traditionnelle vers le sommet - Mary Barra a piloté ces dix dernières années trois fonctions clés: la fabrication, les ressources humaines et, plus récemment, le développement de produits. Et dans chaque cas, elle a orchestré des changements importants.

A la tête de la fabrication de 2004 à 2009, elle a coordonné une équipe chargée de refondre et de simplifier le réseau mondial d'usines du groupe et leurs processus de fabrication, explique ainsi Gary Cowger, un ancien vice-président de GM. Et ce travail a permis de réduire les coûts de développement tout en accélérant les délais de mise sur le marché des nouveaux produits.

En 2009, elle a pris la direction des ressources humaines alors que le groupe venait de s'engager dans une restructuration douloureuse après son renflouement par l'Etat à hauteur de 49,5 milliards de dollars.

A ce poste, elle a revu et simplifié la politique de ressources humaines de l'entreprise et aidé le nouveau PDG, Ed Whitacre, l'ex-président d'AT&T choisi fin 2009 pour remplacer Fritz Henderson, à réduire la structure et les effectifs d'encadrement.

CHALEUR ET GESTION DIRECTE

Mais c'est sans doute à la tête du développement de produits, depuis début 2011, que Mary Barra a sans doute eu le plus d'impact.

Elle a procédé à "un élagage important", résume Jim Queen, ancien vice-président du groupe en charge de l'ingénierie. Surtout, elle a refondu le processus de développement de GM en divisant chaque plate-forme en modules et en sous-systèmes, plus faciles à partager pour chacune des directions régionales, explique un consultant spécialisé qui a travaillé avec GM.

"Il ne s'agissait pas de changements mineurs, explique-t-il. Il y avait de fortes résistances dans les différentes régions (mais) cela s'est fait assez rapidement et de manière relativement souple, avec pour résultat une équipe aujourd'hui plus cohérent et plus soudée."

La chaleur naturelle de Mary Barra, ses méthodes de gestion directes et son souci d'associer ses collaborateurs à la résolution des problèmes lui valent de nombreux admirateurs au sein du groupe, dit un autre collègue, ajoutant: "Elle suscite la loyauté par l'exemple et la gentillesse".

Ces qualités lui seront sans doute utiles pour continuer à lutter contre les faiblesses persistantes de GM, notamment les lourdeurs bureaucratiques qui ont failli couler l'entreprise.

Le choix de Mary Barra pour diriger le groupe pourrait ainsi être "la plus importante décision qu'ait prise Dan Akerson", estime l'analyste Maryann Keller. "Mais on ne le saura qu'une fois qu'elle aura pris son poste et nommé autour d'elle les gens qu'elle veut pour finir un travail qui n'est que partiellement réalisé." (avec Deepa Seetharaman et Bernie Woodall; Marc Angrand pour le service français, édité par Véronique Tison)