1. Le développement des campagnes markéting participatives

Du site Demo Slam de Google au concours de développement d’applications 4G de Sprint, les médias numériques constituent aujourd’hui le champ de bataille de l’innovation sur lequel s’affrontent clients, utilisateurs et partenaires potentiels. Autre exemple : Frito-Lay. Cette marque alimentaire a déjà fait du « competitive crowd-sourcing » [NDT : marketing participatif concurrentiel] la pierre angulaire de ses campagnes publicitaires pour les événements du Super Bowl. Rappelons, en effet, qu’en février dernier, la marque Doritos s’est emparée de la deuxième place du classement « Super Bowl Ad Meter » organisé par le quotidien USA Today grâce à un spot publicitaire créé par les consommateurs. C’est d’ailleurs la quatrième année consécutive que la publicité Doritos se classe parmi les cinq premiers spots récompensés. De son côté, la marque Toyota, prête à tout pour rappeler à son public ses qualités d’entreprise citoyenne, a invité les créateurs en herbe à suggérer des moyens de faire un usage concret des technologies proposées par la firme. La « mise en concurrence » inhérente aux campagnes marketing participatives s’est institutionnalisée, au point de devenir, pour les entreprises, un véritable moyen de développement de leurs territoires d’innovation.


2. L’explosion du contenu tactile

Quiconque possède un iPhone, un iPad ou un Kindle s’est bien rendu compte que les médias ne sont plus uniquement créés à des fins de visualisation, mais que leur contenu est aussi conçu pour être touché, tapoté, effleuré. Les interfaces sont aujourd’hui tactiles. Le clavier n’a pas disparu pour autant, mais il n’occupe plus une place centrale sur l’écran. Alors que les professionnels rédigeaient hier des mémos destinés à être lus, nous vivons aujourd’hui dans une ère où les documents sont élaborés pour répondre à une approche tactile. Faisant appel au toucher, et plus seulement à la visualisation, la conception des documents exige un sens esthétique et des sensibilités différentes. Cette transition bouleversera aussi profondément l’évolution des communications humaines et des stratégies de marque que le fit le passage de la radio à la télévision.


3. Les WWWabs ou le renouveau de la R&D

American Express, Google et Intuit, entre autres sociétés, disposent de « labos », comprenez des espaces où les applications sont testées avant d’être définitivement mis en service. Mais ces terrains de jeux de l’innovation présentent des caractéristiques de qualité, de créativité et de portée très variables. Si certaines innovations, encore au stade de l’éprouvette, sont étranges et farfelues ; d’autres sont animées de la lueur du génie interactif. Quoi qu’il en soit, les conditions économiques de l’expérimentation en WWWabs, en interne comme au contact de la clientèle, sont assurément propices. Il serait ainsi chose facile d’associer un « WWWabsite » à un concours, par exemple. Plus important encore, les WWWabs sont le symbole du détachement des techniques traditionnelles de recherche et de développement pour plus d’innovation commerciale. Les WWWabs tracent un avenir concret pour la création de valeur virtuelle. En lieu et place de la R&D [NDT : Recherche et développement], l’E&S [NDT : Expérimentation et volume] occupe le devant de la scène. Une démocratisation mondiale des WWWabs pour l’année prochaine est à prévoir.


4. L’émergence des nouveaux bons de réduction

Les efforts récemment déployés en vain par Google pour acquérir Groupon – un site qui propose des offres promotionnelles locales dans le monde entier – en échange de quelques 6 milliards de dollars, viennent éclipser la dislocation économique du secteur mondial de la vente au détail. Tous les types de dispositifs sont passés par la publicité, la stratégie de marque et les supports marketing avant de s’en remettre aux plateformes promotionnelles. Aujourd’hui, on ne jure que par le couponnage qui facilite le suivi. Les bons de réduction ont été réhabilités pour permettre l’accès tant aux articles de luxe et de qualité supérieure, qu’aux produits de marques ordinaires et de consommation courante. Au-delà de la simple idée « ingénieuse », le bon de réduction numérique peut se révéler « prodigieux » lorsqu’il est associé à des moteurs de recommandation, des systèmes GPS, des chaînes logistiques, etc. En outre, les différences autrefois substantielles entre les bons de réduction, les remises et les diffusions promotionnelles tendent à s’estomper. En effet, les applications Android et Apple incluront en 2011 la fonction « choisissez vos options promotionnelles préférées ». La publicité sera reléguée au second plan après les offres promotionnelles puisque les détaillants et les chefs de produit estiment, les uns comme les autres, qu’il est aussi important d’associer une marque à une opération promotionnelle que d’assurer la promotion d’une marque donnée. L’année prochaine, et pour la première fois, près de la moitié des consommateurs américains et européens bénéficieront d’un bon de réduction numérique lors d’un achat sur deux environ.


5. L’influence croissante des lobbies institutionnels

Les États-Unis restent, de loin, la première économie mondiale. Néanmoins, le pays est aux prises avec de profonds changements en matière de santé, de logement et de finance, ainsi que dans les secteurs onéreux tels que l’énergie, l’éducation et les télécommunications. Quelle que soit la stratégie adoptée par les PDG pour faire face à cette évolution, ils devront s’accorder avec le spectre grandissant de la réglementation et du contrôle exercés par leur gouvernement. L’Europe rencontre des difficultés similaires alors que la notion d’union monétaire européenne se heurte aux limites du projet politique de l’Union européenne. Ailleurs, la Chine n’envisage pas de libéralisation prochaine et, si la bureaucratie indienne semble perdre de son contrôle sur les marchés du sous-continent, son influence reste incontournable. En d’autres termes, en 2011 l’impact des lobbyistes institutionnels innovants sur la réussite d’une entreprise pourra se révéler plus conséquent que l’influence de techniciens ou de spécialistes en marketing. Même à l’heure où la crise financière mondiale se dissipe, l’intervention de l’État sur les marchés reste sans doute le seul facteur important d’ouverture à l’innovation. De la neutralité du réseau à la guerre des monnaies en passant par un assouplissement quantitatif et un taux marginal d’imposition, les dirigeants se doivent de surveiller les comportements des gouvernements aussi scrupuleusement que ceux des clients particuliers. En 2011, un dollar marginal investi dans une campagne de lobbying pourra générer des rendements largement supérieurs à ceux produits par un dollar investi dans un projet d’innovation technologique.


(Michael Schrage est chargé de recherche au Center for Digital Business de la Sloan School du Massachusetts Institute of Technology. Il est également l’auteur des ouvrages « Serious Play » et « Getting Beyond Ideas », à paraître.)

© 2011 Harvard Business Review
Distributed by The New York Times Syndicate