"Vous avez organisé le 4 novembre dernier votre colloque annuel intitulé « Où va l’économie ? Où va l’immobilier ? ». Quels principaux enseignements tirez-vous de cet évènement ?
J’ai pu relever avec intérêt que nos trois économistes intervenants, tout en mettant l’accent sur l’existence d’embûches étaient finalement assez confiants. Nicolas Bouzou et Jean-Hervé Lorenzi ont plutôt évoqué les évolutions longues, mais pour la période immédiate Jean-Paul Betbèze a par exemple parlé de la Chine : celle-ci ne veut pas se trouver seule en face des Etats-Unis, elle soutiendra donc l’Europe et par conséquent la France, en achetant s’il le faut des emprunts d’Etat français pour éviter un problème de taux d’intérêt. En clair, nous bénéficions d’un sursis même si nous ne devons plus tarder pour entamer nos réformes vers une réduction des dépenses publiques.

Parallèlement, l’ensemble des acteurs évoluant de près ou de loin dans le domaine de l’immobilier sont plutôt entreprenants malgré les difficultés de l’environnement actuel. Un intervenant à la tribune a parlé « d’optimisme de combat ». Il faut savoir que l’immobilier peut faire beaucoup pour accompagner les entreprises dans leurs gains de productivité et de compétitivité et ainsi soutenir l’économie.

Portez-vous un regard inquiet sur l’orientation que prend le marché immobilier à l’heure qu’il est ?

Si l’on parle du marché en général, il est évident que les acteurs n’ont pas baissé les bras, malgré les difficultés de notre économie. Les investisseurs institutionnels sont très actifs, en Ile-de-France ou en régions, sur différents types d’immobilier d’entreprise et pas seulement les bureaux, de nombreux immeubles sont transformés ou rénovés, les SCPI et les OPCI collectent des capitaux, bref le secteur est loin d’être amorphe, bien au contraire.

Quel regard portez-vous sur la problématique du logement à laquelle le pays doit faire face aujourd’hui ?
Je crois surtout que l’on se trompe de perspective. La question du logement est intimement dépendante d’évolutions longues. Les tendances démographiques et sociologiques se mesurent sur plusieurs décennies, et tout se passe comme si chaque nouveau ministre du logement voulait des résultats immédiats. L’équipe de l’IEIF a souvent alerté ces dernières années sur les conséquences de politiques de court terme face un problème qui appelle des analyses et des solutions dans la durée. La situation s’intensifie au lieu de se résoudre.
La seule approche sensée, à la mesure des difficultés, consisterait à se projeter sur les quinze prochaines années : d’après l’INSEE il y aura d’ici là près de 3,3 millions de ménages en plus. C’est en soi une bonne nouvelle, mais c’est à cette échelle qu’il faut envisager la libération de la construction. C’est également à cette échelle qu’il faut réfléchir à la mobilisation ou non, à l’encouragement ou non, de l’épargne des particuliers dans cette direction. Il faudrait donc aller vers des mesures conçues pour être stables, pérennes, au lieu d’une valse incessante de coups d’accélérateurs et de coups de frein. Mais il me semble que cette vision est de plus en plus partagée, ce qui autorise certains espoirs.

Que pensez-vous des premières réponses apportées par le gouvernement ?
Elles vont dans la bonne direction, mais elles ne suffiront évidemment pas. Deux axes majeurs devraient selon moi orienter toute nouvelle mesure en matière de logement. D’abord, seule une offre suffisante permettra de détendre les prix et les loyers dans les endroits attractifs, et ce sera en fin de compte la meilleure façon de protéger les locataires et les accédants. Ensuite, on ne fera rien sans confiance. Si l’on veut que le marché du logement soit fluide, que les prix et les loyers soient accessibles, on a besoin des investisseurs et la confiance ne se décrète pas, elle s’installe d’elle-même à l‘abri de règles stables.
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